Historique du château
IL
est en Bretagne bien des châteaux en ruines : beaucoup étaient
des forteresses imposantes dont les murs ont succombé sous
les assauts des guerriers et sous les coups du temps auquel, parfois,
les vandales révolutionnaires ont prêté la main.
Certains remontent bien au delà du XVème siècle,
à l'époque où la féodalité était
toute puissante. D'autres sont plus anciennes encore. Leurs murs
se sont écroulés en partie, mais ce qu'il en reste
atteste que ceux qui les construisirent savaient unir, dans un ensemble
parfois formidable, l'élégance et la force. C'est
l'impression que l'on emporte quand on visite, dans la commune de
Plédéliac, le château de la Hunaudaye, dont
les ruines, devenues la proie des ronces et des lierres, se dressent
comme un auguste défi au temps, dans un site d'une sauvage
grandeur.
Les cinq tours énormes qui le flanquaient sont encore debout,
mais décapitées. La partie qui était demeurée
habitable a été incendiée en 1793. Le château
de la Hunaudaye est vieux de sept siècles. Sa construction
par Olivier Tournemine remonte à l'an 1220 et son nom lui
viendrait du village actuel de Saint-Jean beaucoup plus ancien que
lui, qui se nommait alors la Ville-Hunaudaye et dont il était
tout proche.
Originaire d'Angleterre, la maison de Tournemine était alliée
aux Penthièvre. Parmi ses membres il en est qui furent de
véritables bandits et qui ne reculèrent pas devant
le vol et l'assassinat. C'est Geffroi Tournemine qui pille et rançonne
Plancoët et vole les vases sacrés de la chapelle de
Lesberroit ; c'est Pierre Tournemine qui arrête l'évêque
de Saint-Brieuc traversant la forêt de la Hunaudaye en 1384,
lui enlève ses chevaux et ses bagages et ne lui rend la liberté
que moyennant rançon. Deux ans plus tard, le 20 décembre
1386, ce même Pierre Tournemine assassine son beau-père
Jean de Beaumanoir. Il confesse son crime et essaie de se justifier.
Mais le Due de Bretagne décide, à la demande de Robert
de Beaumanoir, fils de la victime, de recourir au jugement de Dieu.
Le duel judiciaire a lieu en présence de toute la cour. Pierre
Tournemine est terrassé par son adversaire qui, généreusement,
au lieu de l'achever ou de le faire pendre, lui fait grâce.
A quelque temps de là, Jean Eder de Beaumanoir épousa
Marie de Villiers, dame du Homet de la Bérardière,
douairière de la Hunaudaye, mère de Georges et de
Jean de Tournemine. Mécontents de ce mariage, les deux jeunes
gens attirèrent, sous prétexte d'une partie de chasse,
leur beau-père dans la forêt de la Hunaudaye et le
firent lâchement assassiner sous leurs yeux par Jean du Breil
et un de leurs frères bâtards.
La
tradition assure que bien d'autres drames se déroulèrent
à la Hunaudaye. Le château était devenu un objet
de terreur. Personne n'osait s'aventurer dans les environs. Les
Tournemine ne respectaient rien. La reine Anne, elle-même,
traversant la forêt lors de son voyage en Bretagne pour se
rendre au Folgoët, fut arrêtée et conduite en
présence du seigneur des lieux. Il la fit traiter avec égard,
mais soutint qu'il avait le droit de mettre à rançon
quiconque passait dan-, son voisinage sans sa permission. Il vint
une époque où la rumeur, renchérissant sur
la vérité, accusa le maître redouté de
la fière demeure d'avoir assassiné son père,
sa femme et son frère. Il ne pouvait plus, disait-on, connaître
les douceurs du sommeil. Une nuit, un chevalier drapé d'un
manteau rouge se présenta devant le châtelain. Celuici
appela ses gens pour châtier cet inconnu qui osait pénétrer
dans sa chambre sans s'être fait annoncer. Comme nul ne répondait
à son appel, il aperçut, derrière l'homme au
manteau rouge, trois spectres entr'ouvrant leur suaire et montrant
leur sein percé et sanglant.
- Je n'ai pas d'autre garde, dit le chevalier : ce vieillard,
c'est ton père ; cette femme c'est ton épouse ; ce
jeune homme, c'est ton frère. Ils viennent te chercher pour
que désormais tu demeures avec eux. A ce moment un violent
orage éclata. Le faîte des tours, frappé par
la foudre, s'effondra. Quand, le lendemain, on pénétra
chez le châtelain, on le trouva mort sur le sol.
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