L'histoire du château
Moncontour, place-forte
de Penthièvre.
Bien
des bourgs, fondés à la charnière des premier
et second millénaires, mettent leurs habitants, leurs activités,
leurs économies et leurs édifices à l'abri
d'une enceinte. Avec les conflits des siècles suivants, celles
qui n'avaient pas disparues avaient été remplacées
par de puissants remparts agencés en un système défensif
permettant de contrôler les accès et surtout de s'adapter
aux progrès de la poliorcétique. Enfin, en se développant,
surtout à partir du XVIe siècle, ces bourgs castraux
ont vu leurs terrains être bouleversés, les vestiges
ruinés ou arasés et leurs matériaux parfois
réemployés. Lamballe, Quintin et Moncontour se sont
débarrassées de leurs embarrassants corsets de murs
pour voir péricliter leurs activités économiques.
D'importantes études ont révélé la variété
des configurations de ces bourgs et de ces villes.
Il apparaît que c'est à l'absence de site " rival
" sur le territoire de la seigneurie que Moncontour doit d'en
être devenue le chef-lieu sans doute dès le XIe siècle,
au plus tard au XIIe siècle. Pour les comtes de Penthièvre,
Moncontour devient le siège administratif d'une seigneurie
importante, comme le sont Lamballe et Jugon. Le militaire étant
le seul garant du politique, l'édification de nouvelles fortifications
vient à posteriori renforcer cette position, confirmant par
ailleurs la notion de " hiérarchisation verticale "
. Le bourg castral et comtal s'impose donc à tout autre établissement
sur un territoire dont une partie des ressources sont employées
à corroborer cette position.
La situation du site, naturellement propice à l'établissement
d'une enceinte, permet son aménagement au plus tard au XIe
siècle. L'une de ces premières phases de construction
est peut-être à mettre en relation avec celle du castrum
de Lamballe que Geoffroi Botrel I fait édifier vers 1090
en remplacement du plessix. A cette époque existe une enceinte
épousant la forme du rocher. Le promontoire rocheux est d'ailleurs
progressivement aménagé afin d'accroître son
inaccessibilité et d'améliorer l'assise des murailles.
La partie Ouest étant le principal point faible de l'enceinte,
c'est sur cette partie que sont concentrés les travaux :
un puissant donjon contrôle l'unique accès à
l'enceinte pour lequel on amplifie la profondeur de la fosse naturelle.
La dissidence de Geoffroi Botterel II, amorcée peut-être
dès 1120, contraignant celui-ci à se replier sur la
partie orientale du Penthièvre, est à l'origine de
la restauration des places-fortes comprises dans ce territoire.
Aussi, si la situation politique demeure stable les années
suivantes, la menace d'intervention impose la mise en état
de Lamballe, où il demeure, et la restauration de Moncontour
vers 1137. La connaissance des constructions engagées à
l'occasion de cette campagne de travaux étant difficile en
raison de l'absence d'archives antérieures au XVe siècle,
il reste certain que l'enceinte suit déjà le tracé
actuel, hormis au Nord où la configuration des lieux, moins
abrupte qu'au Sud, contraint les bâtisseurs à se contenter
de suivre le périmètre du promontoire. Les murailles
et les tours sont réalisées dans un appareil où
la qualité de la maçonnerie prime sur celle de la
taille. Lorsqu'il est encombré, le massif rocheux est dégagé
pour asseoir les fondations des murs. Leur élévation
étant le meilleur palliatif du risque d'" eschellement
", on n'hésite pas à élever des murailles
hautes de près de vingt mètres sur lesquelles un parapet
en saillie sur corbeaux permet aux défenseurs de combattre
l'assaillant. Les tours, de faible diamètre et en faible
saillie sur le tracé, constituent les contreforts indispensables
à ces murailles ; mais si leurs niveaux inférieurs
sont comblés pour une meilleure résistance aux projectiles,
leur sommet est pourvu d'embrasures, hautes et étroites,
aménagées dans l'épaisseur du mur, permettant
à des défenseurs d'y prendre place pour défendre
les courtines sous un angle plus efficace et moins exposé.
La Guerre de Succession, ainsi que, les années suivantes,
les relations entre les propriétaires de la ville et l'autorité
ducale, sont à l'origine des principales campagnes de travaux.
Celles-ci sont entreprises à partir de la seconde moitié
du XIVe siècle, moins sous Charles de Blois que sous le richissime
Ollivier de Clisson. C'est Clisson qui prend en effet les dispositions
nécessaires à restaurer la place-forte, devenue obsolète,
en commandant d'importants travaux sur l'ensemble des fortifications.
Le château est reconstruit presque en totalité, ainsi
que la face Sud qui conserve son tracé primitif. Puissant
et austère, il devient significatif de la personnalité
de son possesseur dont les constructions rivalisent avec celles
des architectes ducaux. En fait, les travaux n'ont pas encore donné
à la ville son nouveau visage quand elle doit affronter le
premier siège de son histoire.
La
confrontation entre le parti ducal et son principal adversaire,
retardée en 1393 par de nombreuses ambassades et quelques
trêves, débute dans les premiers jours de l'année
suivante, au mois de mai. Après avoir assiégé
et pris Josselin, Jean IV conduit son armée sur Moncontour.
La poliorcétique est encore dominée par l'usage des
puissantes " machines " de guerre, montées sur
place, qui battent l'enceinte en un point stratégique, technique
que l'artillerie, en plein développement, rendra obsolète
dès les années suivantes. Des brèches sont
ouvertes dans les remparts par l'effondrement des " mynes "
aménagées par l'assaillant au coeur des fondations.
L'assaut est encore pratiqué par " eschellement ",
technique demeurant coûteuse en hommes devenue rustique mais
parfois efficace comme à Lamballe en 1387. L'assiégé
ne doit quant à lui guère compter que sur l'ingéniosité
de la conception de l'enceinte, la qualité des maçonnerie,
la hauteur des murailles et le rapport entre le nombre d'hommes
disponibles et l'importance du périmètre à
protéger sur le nombre d'hommes et les moyens mis en oeuvre
par l'assaillant. Nous pouvons conjecturer que l'armée ducale,
venant par la route de Loudéac, s'implante sur un promontoire
occidental à la ville soit la partie Sud-Ouest d'où
elle domine l'enceinte et son château tout en demeurant à
l'abri d'une éventuelle offensive. L'emplacement est d'ailleurs
le seul qui soit vraiment favorable à la disposition des
machines destinées à pilonner l'enceinte. Il est plus
difficile de déterminer la partie sur laquelle est concentré
l'assaut par eschellement ; l'ensemble de la Porte d'En-Haut avec
le château (bien que l'on ne connaisse pas l'état des
travaux) est inaccessible. Le rempart Sud, très étendu,
doté de quelques tours archaïques et dépourvu
de fossé est plus abordable. Mais ce ne sont là que
des hypothèses qu'aucun indice concret ne peut confirmer
à l'heure actuelle. Quoiqu'il en soit, le siège est
un échec. En fait le dispositif militaire de Moncontour répond
encore aux moyens mis en oeuvre par l'armée ducale : les
murailles comme les tours, très élevées, permettent
à des défenseurs bien organisés de repousser
les tentatives d'eschellement. Aussi peut-on conjecturer que l'issue
pourrait avoir été différente si l'armée
ducale avait été mieux équipée en artillerie.
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