L'histoire du château
On connaît peu les débuts du château de Montcornet
mais ce n'est pas toujours la légende qui ment, et nous nous
plaisons à imaginer l'Empereur Charles ou son fils, le Débonnaire
se reposant et faisant joyeuses ripailles dans leur "Pavillon
de chasse" du "Mont-cornu", après de rudes
chevauchées dans la forêt d'Ardenne, depuis leur "villa"
royale d'Attigny ou de Douzy, à la poursuite des cerfs, sangliers
ou des ours...
Au fil des, les noms de Guillaume, Pierre, Gilles, Hugues ou Jeanne
de Montcornet, émaillant de leurs largesses les fondations
des abbayes de Braux (846?), d'Orval (1188) des Mazures (1350),
de Signy (1288) ou de Borne-fontaine, attestent qu'une famille déjà
puissante occupait le site fameux, cet éperon barré,
cher aux habitats anciens. Que reste-t-il de leur château
de bois et de pierre, qu'en ont fait leurs successeurs, Miles de
Noyers et Dreux de Mello ? Nous espérons le savoir bientôt.
Le restaurateur du château, celui qui en fit ce que nous en
connaissons, fut Antoine de Croy, qui l'acheta en 1446 (cependant
que son frère Jean achetait Chimay). On l'appelait Le Grand,
il possédait 23 quartiers de noblesse, fût sur la liste
de création de la toison d'Or, Premier Chambellan du Duc
de Bourgogne en 1463 Grand Maître de France. C'est lui qui
portait la Sainte Ampoule au sacre de Louis XI à Reims. Il
fut le premier de cette illustre lignée qui pendant 167 ans
fit vivre à l'austère forteresse des heures de faste.
Avant les Croy, les misères de la guerre de cent ans, avec
Antoine II le Calviniste, les drames des guerres de religion et
puis les dettes de Charles II de Croy qui permirent à Charles
de Gonzague, duc de Nevers et de Mantoue, l'achat de Montcornet
en 1613. Mais à la mort de celui qui, de toutes pièces,
avait construit une ville exemplaire, on dut saisir ses biens et
la seigneurie, devenue, grâce à lui Marquisat passa
en 1674 dans les mains d'Armand-Charles de la Porte de la Meilleraie,
époux d'Hortense
Mancini, la nièce fort bien dotée du tout puissant
Mazarin.
Puis par le jeu d'héritage ou d'alliances, le domaine vint
aux Aiguillon, avec Armand Duplessis... C'est sa famille qui démantela
le château, au moment de la construction de l'Eglise actuelle
(1760). Enfin, les ruines passèrent au marquis de Chabrillan
dont la famille alliée aux Grimaldi avaient, à Montcornet
renoué des liens séculaires avec les Croy. Et, c'est
sa fille, Madame la Comtesse de Caumont la Force qui en mai 1961
accepta de me céder ces deux hectares de pierres chargées
d'histoire.
Le déblaiement et la restauration de ce "Colysée
féodal" où Michelet reconnut avoir trouvé
sa vocation d'historien sont donc depuis trente ans menés
avec passion et courage par un groupe d'amis et par des milliers
de jeunes de France et de l'Etranger qui ont vus leurs efforts couronnés
par le Prix de la plus belle France, le Prix d'honneur des Études
ardennaises et le Prix des Chefs d'Oeuvre en péril (1972).
Inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments
historiques depuis 1926, cette "Forteresse aux marches du Royaume"
garde encore jalousement le secret de sa "petite histoire".
C'est à cette recherche que nous nous sommes attelés,
car que serait une Histoire si elle n'était pas aussi celle
de la vie quotidienne, celle des souffrances et des bonheurs des
seigneurs de l'imprenable "Mont-Cornu" ?
Texte de Bernard
LUSSIGNY
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