Les Seigneurs de Bois Thibault
Le château primitif daterait de la seconde moitié du XI ème siècle. Il aurait été construit à la fin de la conquête du Bas Maine sur les instigations du conte d’Anjou Geoffroy II dit Martel Ier, fils de Foulques III Nerra.
1 - Famille De Logé de 1195 à 1429.
Le plus ancien seigneur de Bois Thibault connu avec certitude est Herbert I de Logé (Herbertus de Logeio). La famille de Logé originaire de la Lande de Longé (la Longrais à ce jour), près de Briouze en Normandie, portait pour armes d’azur à trois quintefeuilles d’or. Son existence est attestée par des actes officiels. Exemple, en 1190, nous le voyons assister comme témoin à la confirmation faite par lui des possessions de l’Abbaye de Savigny puis à la confirmation solennelle de la fondation du monastère de Fontaine Daniel en 1205. Herbert de Logé succéda à son beau père en 1207 dans la lourde tache de Sénéchal de Juhel II de Mayenne.
C’est également en 1207 que le seigneur de Bois-Thibault reçut du seigneur de Mayenne – à lui et ses descendants – le droit de haute justice sur tous les fiefs dans les paroisses de Saint-Fraimbault-de-Lassay et de Sainte-Marie-du-Bois... [2]. « Dès 1207, Juhel de Mayenne donne… altam justiciam in omnibus feodis que dictus Herbertus de Logé tenet de me, in parrochia Sancti Frambaldi de Lassay et Beatae Mariae de Bosco exceptis feodis de Basochia Gondouin. Praeter dedi jamdicto Herberto… totam altam justiciam… in villa de Thubeuf et ultimis feodis du Perron et nihil praeter mulctam in raptum et larcini et jura magnis criminis (la haute justice sur tous les fiefs que ledit Herbert de Logé tient de moi dans les paroisses de St Fraimbault-de-Lassay et de Sainte-Marie-du Bois sauf les fiefs de la Baroche Gondouin. En outre, j’ai donné au dit Herbert… toute la haute justice… sur le village de Thuboeuf et les plus éloignés des fiefs du Perron et je n’ai rien retenu si ce n’est l’amende pour le rapt, le vol et les droits des cas graves. Herbert de Logé ne peut donc pas être dit totalement haut justicier »[3].
Il avait épousé dans les années 1195-1197 Catherine Monnier qui peut-être lui apporta la terre de Bois Thibault. A cette époque, il fonda dans son manoir de Bois Thibault la Chapelle dédiée à Sainte Catherine. De son union avec Catherine Monnier il eut semble t-il, deux filles et deux fils. Hamelin qui lui succéda, Juhel qui paraît avoir été l’auteur de la branche de Villeneuve près de Chailland, Jehanne qui en 1245 se fera élever un tombeau dans l’église de Fontaine Daniel et Lucie femme de St Denis cité en 1225-1230 au cartulaire de St Denis.
Hamelin de Logé Seigneur de Bois Thibault et de la Lande de Longé (61), succéda à son père dans les années 1225-1230, il avait épousé la fille de Hugues de Couterne Seigneur de Torcé qui lui avait apporté la terre des Mortiers à Cigné. De son union il eut deux fils. Herbert II, fils aîné et Guillaume cité au cartulaire de Fontaine Daniel en 1285 qui eut la terre des Mortiers et fonda la branche cadette de Cigné qui s’éteindra au XVIIIème.
Herbert II de Logé succéda à son père dans les années 1243, son épouse ne nous est pas connue. Il eut comme successeur Hamelot.
Hamelot de Logé , Seigneur de Bois Thibault et de la Lande de Longé succéda à son père dans les années 1265-1270. On le retrouve en 1272 convoqué parmi les Seigneurs Normands qui devaient l’arrière ban pour la Vicomté de Falaise. Il participa ainsi à l’ost de Foix. Il devait posséder le fief de Neufvy en Houlme (Neuvy-au-Houlme à ce jour) de par sa femme que nous ne connaissons pas. Il eut comme fils Herbert III.
Herbert III de Logé succéda à son père à la fin du XIIIème siècle comme seigneur de Bois Thibault et de le Lande de Lougé. Le 8 septembre 1302, à Arras il répondit à l’appel de Robert d’Artois chargé par Philippe le Bel de réprimer une révolte des Flamands et donnant quittance à Jouffroy Coquatrix et à Charles G…. chantre de mille de partie de ses gages (22 H 10 sols) pour lui et ses deux écuyers. Herbert III épousa la fille de Geoffroy de Vendôme Seigneur de Chartres et de Lassay et eut comme successeur son fils Geoffroy.
Geoffroy de Logé devint Seigneur de Bois Thibault dans les années 1320, nous le retrouvons à l’occasion d’une vente faite à la Baroche Gondoin par Robin de la Baroche à Guillaume le Voyer d’Aron à l’occasion de la succession d’Hugues de la Baroche Gondoin père de Robin. Geoffroy épousa Agaice Robin sœur de Robin de la Baroche Gondoin. De son union naquirent Jehan I de Logé, et une fille qui épousa Jehan de Couterne Seigneur de Couterne et du Horps.
Jehan I de Logé succéda à son père dans l’année 1350, il épousa la sœur du Seigneur de Couterne et du Horps qui lui apporta la Seigneurie de Melleray. Il eut au moins 1 fils, Jehan II qui lui succéda en 1370.
Jehan II de Logé Chevalier, Seigneur de Bois Thibault rendit le 25 mars 1371 hommage au Roi pour 1 franc fief de Chevalier assis en la paroisse de Neufvy, il avait quelques années auparavant épousé Anne fille de Jehan de la Ferrière et de la Dame de Tessé qui lui avait apporté en mariage quelques terres ou fiefs situés sur les paroisses de Juvigné, de Beaulandais et d’Haleine. Comme ses ancêtres, Jehan II avait comme résidence principale Bois Thibault. En 1380 il était en procès avec Robert de Vendôme Seigneur de Lassay, ce dernier avait fait des réparations à son château à l’occasion du mariage de sa fille et avait cru pouvoir doubler « troy foys ses tailles et debvoirs sur ses hommes et subjetz », prétention à laquelle le Seigneur de Bois Thibault s’était opposé. Ce procès dura 10 ans avant qu’un accord ne fut trouvé le 3 avril 1391. Pour sceller cet accord, le Seigneur de Vendôme accorda la main de sa fille (Marguerite ou Jehanne) à Jehan III de Logé fils aîné du Seigneur de Bois Thibault. De son union avec Anne de la Ferrière, Jehan II eut cinq fils et une fille. Jehan III qui succéda à son père en 1395-1396, Guillaume ?…, Jehan qui épousa la fille du Seigneur de Chasseguerre en Hardanges et reçu le fief d’Houillé le Tesson, Hamelin Chanoines et Chantres Cathédrale du Mans en 1421, Louis ?…, la fille fut mariée à Pierre du Merle frère du Seigneur de Messai et de Gorron qui apporta la terre de Juvigné. Le 31 octobre 1382 à Arras, il répondit présent à l’appel de Charles VI (Roi de France) et participa à la campagne de Flandres pour réprimer les milices flamandes.
Jehan III de Logé , dans les années qui suivirent la succession, nous voyons « noble et puissant Seigneur de Bois Thibault » recevoir au nom de sa seigneurie plusieurs déclarations féodales en 1402 : celle de Rolland du Fresnes (Escuier) pour les féages et devoirs de la Chaponnais, de Beauchesne de Chorin situées dans la paroisse du Horps et de Champéon, etc, lui même en 1403 comme Vassal dans l’aveu de Gorron au conte du Mans pour son fief de Lucé et comme seigneur de Bois Thibault et de Tessé dans l’aveu de Charles de Vendôme. Jehan III mourut en 1415, il eut de son union avec (Marguerite ou Jehanne) de Vendôme, Jehan IV qui lui succéda en 1415, et 2 filles, Jehanne marié avec le Seigneur Jehan des Escotais en Jublains et Philippote décédée sans alliance.
Jehan IV de Logé Seigneur de Bois Thibault en 1415 rendit foi et hommage au Roi pour les terres de Neufvy, il avait épousé quelques années auparavant Jehanne de Montgeroul Dame de l’écluse et fille de Patry Seigneur de la Beschère. De cette union il eut deux filles, toutes deux appelées Jehanne. Le dernier descendant de la lignée hommes des de Logé, Jehan IV, mourut en 1419, ne laissant que deux filles qui furent mises sous la tutelle de leur grand oncle, Jehan de Logé (fils de Jehan II), Seigneur de Chasseguerre en Hardanges lequel eut l’administration et la jouissance du Bois Thibault.
C’était l’époque (guerres de cent ans) ou les Anglais envahissaient la Normandie et s’installaient dans la Châtellenie de Lassay. Le grand oncle et les héritières abandonnèrent Bois Thibault pour se réfugier en Anjou ou l’aînée fit la connaissance d’un Seigneur du Pays : Jehan III du Bellay qu’elle épousa bien qu’elle n’eut que douze ans en 1429 et à qui elle apporta les terres de Bois Thibault.
2 - Famille Du Bellay 1429 à fin XVII ème
Jehan III du Bellay , le mari de Jehanne de Logé, appartenait à l’une des plus anciennes familles nobles de l’Anjou, laquelle tirait son nom de la terre du Bellay en Allonnes au nord-est de Saumur.
Le prestige de cette famille n’appartient pas qu’à l’aîné des frères de Jehan III qui fut en la personne de Jehan II, chambellan de Charles VII. Ce dernier périt en Angleterre suite à sa capture lors de la journée de Crevant (1423). En effet, devenu chef de la famille du Bellay par suite des décès de son père Hugues VII du Bellay ( périt glorieusement à Azincourt), ainsi que de ses trois frères aînés : Jehan II, Bertrand (mort à Azincourt) et enfin Pierre (tué à la bataille de Verneuil) ; Jehan III se distingua avec vaillance, à l’exemple de ses parents,dans la guerre contre les Anglais.
Lorsqu’en 1426, Arthur de Richemont, fait depuis peu connétable, commença à organiser la défense de nos frontières en face des envahisseurs, le sire du Bellay avait été au nombre des principaux chevaliers et écuyers qui furent alors chargés de repousser l’ennemi, « accompagnez de chevaliers et d’écuiers d’Anjou et du Mayne et des frontières avec trois ou quatre cents écossais ».
Alors que la ville d’Orléans fût délivrée par Jeanne d’Arc et que la victorieuse campagne qui avait suivi obligeait les Anglais à battre en retraite un peu partout sur nos frontières, c’est au mois de février 1430 qu’une garnison écossaise « prindrent l’ostel du dit lieu du Boisthibault, lequel ils fortifièrent ». Devenant plus redoutable pour la population de Lassay que pour les Anglais, Charles VII ordonna en septembre de la même année d’envoyer le duc d’Alençon avec quelques troupes pour les faire déguerpir.
C’est également en 1448 que la Châtellenie de Lassay comme tout le Bas Maine rentra sous la domination française et de part ses faits de bravoure, Jehan III du Bellay reçu du Roi René, Roi de Jérusalem et de Sicile, l’ordre du Croissant: « A noble et renommé chevalier, nostre très cher et très amé frère en l’ordre du Croissant le sieur du Bellay, paternel amour et accroissement d’honneur ».
En même temps, le Roi Charles VII l’avait nommé son conseiller et chambellan. Son successeur, le Roi Louis XI fit de même et lui accorda en 1465 une pension de 600 livres tournois. En 1467, Louis XI le nomma commissaire aux montres de l’arrière-ban du ressort d’Angers. Il fut également en 1468 chargé de garder à Tours les barrières des Etats généraux
En 1455 Jehan du Bellay et sa femme Jehanne de Logé vinrent visiter leurs terres du Haut Maine, ils trouvèrent le Manoir complètement en ruines, l’antique demeure des de Logé fut remise en état et quelques années plus tard ils augmentèrent l’importance de leur manoir en élevant de nouvelles constructions. Ils entourèrent l’ensemnble de murailles et de tours. De son union avec Jehanne de Logé, Jehan du Bellay eut six fils et cinq filles.
Eustaches du Bellay fils aîné, marié à Catherine de Beaumont succéda à son père comme Seigneur de Bois Thibault dès l’année 1461, en 1475 il avait été admis dans l’ordre du Croissant. En 1484 il reçu du jeune roi Charles VIII des lettres de Conseiller et en 1499 sous le règne de Louis XII des titres de Conseiller et de Chambellan de ce Prince. Devenu veuf, il entra dans les ordres et mourut en 1510. Il avait eu de son mariage avec Catherine de Beaumont entre autre sept enfants dont Jehan auteur de la branche de Connor, illustrée par le poète Joachim du Bellay et Louis le cadet à qui échurent les terres du Bois Thibault et Jacques.
Louis du Bellay à l’exemple de son père Eustache, s’était voué de bonne heure à l’état ecclésiastique et lui succéda en 1510. Il n’habitait pas son Manoir et y entretenait un chapelain nommé Bansard. Entre 1525 et 1530, il entreprit des travaux et fit élever un ensemble de bâtiments en équerre dans la partie nord-est, fit surélever les 2 tours rondes en modifiant les ouvertures suivant le plus pur style renaissance, un balcon à accoudoir fut ajouté lors de la reconstruction de l’ancien escalier du Manoir jugé trop petit par l’Architecte. L’antique Chapelle dédiée à Sainte Catherine fut également restaurée, il l’avait faite ériger en Chapelle paroissiale avec droit de toutes fonctions curiales pour le Chapelain. Cette Chapelle encore debout au début du siècle à disparue. Louis du Bellay décédé en 1542, lettré, artiste, était curé de St Séverin, grand archidiacre de Paris et conseiller au parlement.
Sans héritier, les terres de Bois Thibault passèrent à son neveu François Henry du Bellay Comte de Tonnerre qui devint au commencement du règne d’Henry II gouverneur de Compiègne. Il mourut au Château de St Maur des Fossés en Novembre 1553. Son jeune fils âgé de 15 ans devint Seigneur de Bois Thibault, mais mourut à son tour peu de temps après.
La succession de ce mineur, donna lieu entre la mère Louise de Clermont et ses oncles paternels à un long procès qui ne pris fin qu’en 1565 avec la nomination de Jacques du Bellay Seigneur de Thouarcé frère cadet de Louis décédé en 1542. Le Roi Henry III par lettres du 14 ème jour de mars 1575 lui donna la Lieutenance générale de la province d’Anjou. Jacques du Bellay décéda le 20 juillet 1580 et fut inhumé à Gizeux. De son union avec Antoinette de la Palu il avait eu deux fils et une fille, mais c’est aux enfants mineurs d’Eustache du Bellay frère de Jacques et de Louis du Bellay, qu’échurent les terres du Bois Thibault.
Charles du Bellay l’aîné âgé de vingt ans devint le nouveau Seigneur de Bois Thibault. Il mourut à la Feuillée en septembre 1613 et fut enterré dans l’église d’Alexain. De son union avec Radegonde des Rotours, Charles eut deux fils et cinq filles. En 1632, Radegonde abandonna Bois Thibault à son fils aîné René du Bellay Seigneur de la Feuillée. Ce dernier avait épousé cette même année Marie de Thou, puis plus tard, au décès de cette dernière, Renée de la Marzelière.
Le Marquis René du Bellay mourut fin 1661 et laissait ses terres entre les mains de sa fille Marie du Bellay qui décéda dès 1663.
Renée de la Marzelière veuve de René du Bellay devint propriétaire de Bois Thibault, elle mourut à Paris en 1691 avec comme héritières ses deux sœurs Françoise et Gillonne de la Marzelière.
Ce fut Charles Louis Vincent du Matz Marquis du Brossay, petits fils de Gillonne de la Marzelière morte vers 1692 qui hérita de Bois Thibault. Charles mourut sans enfant en 1729 et laissa Bois Thibault à son frère Joseph-Joachim du Matz qui fut à peine dix ans seigneur de Bois Thibault puisqu’il mourut en 1738 sans héritier. Les terres du bois Thibault allèrent alors à sa sœur Marie Clarice Vincent du Matz du Brosssay qui décéda le 15 décembre 1751.
Bois Thibault, sous l’effet d’une saisie datant de 1693, fut vendu aux enchères en 1762 pour la somme de 98000 livres à Léonor-François de Tournely Seigneur des Aulnais et Jeanne Mathurine du Plessis De Mongenard son épouse. Des travaux furent entrepris, notamment, la couverture du bâtiment crée au XVI ème fut refaite, les pignons très pointus furent descendus et les lucarnes en granit supprimées. Le pont levis fut également démoli et remplacé par une chaussée. Après le passage de la révolution, le château avec un étang resta dans la famille de Tournely. Au décés du dernier descendant Elisabeth de Tournely, le Château revint à sa nièce mariée au comte de St Paul Lingeard qui le transmit à son fils Charles Marie Eugène de St Paul Lingeard mort en 1905.
Le château alla en 1925 dans la famille de Broglie, puis, fut vendu à Mr et Mme Soubrier antiquaire parisien qui abandonnèrent l’édifice à la végétation et au pillage.
Acheté à Madame Soubrier en 1988, le château appartient aujourd’hui à la commune de Lassay-les-châteaux qui, aidée par l’Etat, la Région et le Département a entrepris par l’intermédiaire des Monuments Historiques des travaux de restauration. L’Association Bois Thibault, passé et avenir, organise chaque année des chantiers de bénévoles pour réparer, nettoyer et consolider ces magnifiques ruines témoins de plus de neuf cents ans d’histoire.
Bibliographie
[1] Abbé Angot - Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne (4 tomes) – Editions régionales de l’ouest : Mayenne - 1998
[2] Le Marquis de Beauchesne - Le Bois-Thibault, Etude Historique & Archéologique – Imprimerie-Librairie Ve A. Goupil : Laval – 1912
[3] S. Grard – Lassay les Châteaux, ses châteaux, son passé – Imprimerie Lelièvre : Lassay – 1979
Recherche : Roland Caillonneau & David Crônier
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