L'histoire du château
La première clé pour
comprendre Carcassonne, c'est la géographie. La cité est une acropole
qui domine de 50 mètres la rive droite de l'Aude, là où le fleuve,
qui vient du sud, fait un brusque coude vers l'est et la Méditerranée.
Ce plateau rocheux, ultime ressaut du massif des Corbières, commande
un carrefour de première importance : l'axe principal, d'est en
ouest, relie la Méditerranée à l'Atlantique, le Bas-Languedoc à
l'Aquitaine, par un couloir de plaine très fertile qui s'allonge
entre les Corbières et les premiers contreforts du massif Central.
Il connut une voie gauloise, que doubla une route romaine, à laquelle
se superposa sur une bonne partie de son tracé la Nationale 113,
doublée à son tour par l'autoroute A61. L'axe nord-sud, lui, met
en communication l'Albigeois et le Lauragais avec la Cerdagne, porte
à la fois du Confient et du Roussillon, et par le Baridan, de la
Haute-Catalogne.
1 - De l'oppidum
au castellum
L'autre clé, c'est
évidemment l'histoire. La découverte dans la cour du château, il
y a quelque cinquante ans, de poteries ibériques, donne à penser
que le site fut occupé par un oppidum pré-romain, sans doute vers
le Ve siècle avant notre ère. La conquête romaine entraîna la fondation,
sous Auguste (13 av. J.-C.) de la " Colonia Julia Carcaso ", dont
témoignent des monnaies du IIIe siècle, des poteries de la Graufesenque,
les mosaïques trouvées dans la cour du château, et surtout, les
fortifications du castellum gallo-romain. Coïncidant à quelque détails
près avec l'actuelle enceinte intérieure, ces fortifications consistaient
en une muraille flanquée de tours assez rapprochées (20 à 30 mètres),
arrondies à l'extérieur, plates à la gorge, construites sur des
massifs de béton pleins, et percées de petites fenêtres en plein
cintre. Ces constructions subsistent encore partiellement à l'ouest,
de la tour Wisigothe - car on les a longtemps attribuées aux Wisigoths
! - jusqu'à la tour de Justice, puis, à mi-rempart, de celle-ci
jusqu'au château. Elles reprennent à la tour de la Chapelle, pour
se poursuivre sur le front nord jusqu'à la tour du Moulin du Connétable,
plus quelques lambeaux au sud-est. On les reconnaît aisément à leur
petit appareil de pierre entrecoupé de lits de briques.
2 - Des temps barbares a l'âge
féodal
Fixés
en Narbonnaise à partir de 418, les Wisigoths' - des Germains venus
d'Ukraine - se taillèrent sur les débris de l'Empire romain un royaume
qui alla bientôt de Gibraltar à la Loire. En 507, la poussée franque
leur enleva leur capitale, Toulouse, mais ils conservèrent Carcassonne
jusqu'à la conquête arabe, qui la leur prit en 725. Mais pas plus
les Wisigoths que les Arabes - lesquels n'occupèrent le site que
le temps d'une génération - ne paraissent avoir laissé de traces
dans l'architecture de Carcassonne. Ce sont les temps féodaux qui
commencèrent à modeler le visage de la cité actuelle. Pépin le Bref
s'empara de la place vers 752. Sous les Carolingiens, une dynastie
de comtes héréditaires y établit certainement sa demeure principale.
De ce premier palais seigneurial, on ne sait rien : peut-être consistait-il
simplement en bâtiments de bois appuyés aux murs et aux tours de
la vieille enceinte gallo-romaine. Par le jeu des successions et
des mariages, une autre dynastie, celle des vicomtes Trencavel,
réunit entre ses mains, au XIe siècle, les comtés de Carcassonne
et de Razès, et les vicomtes de Béziers et d'Albi. Maîtres d'un
vaste Etat-tampon entre les domaines de Barcelon et ceux de Toulouse,
les Trencavel s'affirmèrent vite comme l'une des plus puissantes
maisons féodales du nord immédiat des Pyrénées. Entrés en 1067 dans
la mouvance des comtes de Barcelone - devenus plus tard rois d'Aragon
- ils n'en jouèrent pas moins un habile jeu de balance entre leurs
grands voisins, au point de faire figure de princes indépendants.
Ils choisirent Carcassonne pour capitale et eurent sans nul doute
le souci d'en faire une véritable place forte.
3 - La capitale des Trencavel
C'est vraisemblablement
Roger Ier Trencavel (mort en 1150) qui remania l'enceinte gallo-romaine,
de façon à l'adapter aux nécessités militaires du temps : crénelage
des parapets, transformation des fenêtres en archères, construction
contre le rempart ouest du château qu'on dit toujours " comtal ",
à la fois résidence seigneuriale, siège des plaids de justice et
de l'administration civile, financière et militaire, gérée par les
grands officiers du vicomte, le viguier, le bayle, le châtelain.
Mais aussi ultime réduit défensif en cas de guerre étrangère ou
de troubles urbains. Ce ne fut d'abord qu'une rangée de logis appuyés
à l'enceinte, et une haute tour rectangulaire à dix étages, la tour
Pinte, en réalité tour de guet plutôt que donjon véritable. L'ensemble
est néanmoins appelé palatium en 1150. Des adjonctions postérieures
de quelques années seulement (avant 1160) aboutirent à un édifice
en U : les premiers bâtiments, dont le logis principal fut surélevé,
furent en effet flanqués perpendiculairement, au nord, d'une chapelle
(les vestiges de son abside sont visibles sur la mosaïque gallo-romaine),
et au sud, du bâtiment qui sert maintenant d'accès au musée. Mais
c'est sous Raymond-Roger Trencavel, le petit-fils de Roger Ier,
que le château comtal dut prendre, entre 1204 et 1209, son aspect
à peu près définitif, par la construction, du côté de la ville,
d'une grande enceinte rectangulaire englobant tous les bâtiments
précédents, et ménageant au-devant d'eux une vaste cour d'honneur.
Ce qui nécessita d'ailleurs la démolition de la chapelle.
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