L'histoire du château
4a - Le XVIIIe siècle
Fougères, endormie
derrière ses remparts d'autre âge, attendra près de deux siècles
un nouveau rendez-vous avec l'histoire.
Vers 1775, des sociétés de pensée réunissent régulièrement les beaux
esprits, nobles et bourgeois, dans les hôtels de la haute ville.
D'autres fréquentent assidûment la loge maçonnique. Le marquis de
la Rouërie, un Fougerais, avec la généreuse turbulence de la jeunesse,
franchit les mers pour mettre son épée au service des insurgés américains
en lutte pour l'indépendance et la liberté. Revenu des États-Unis,
il veut défendre aussi, à Versailles, les prérogatives du Parlement
de Bretagne, mais il se fait embastiller pour deux mois. Son retour
à Fougères sera Triomphal.
Les idées nouvelles se sont donc répandues. Démocratie et liberté
sont à la mode. Aussi la réunion des états Généraux de 1789 suscite-t-elle
tout d'abord un vif enthousiasme.
Mais la constitution civile du clergé, l'installation effective
de prêtres assermentés, puis la conscription, vont rapidement indisposer
une grande partie de la population. Un homme du renom de la Rouërie
peut facilement rameuter toute la noblesse des châteaux environnants
et de Haute-Bretagne, et les enrôler dans la Conjuration Bretonne,
surtout après les massacres parisiens de septembre 1792. Cette fidélité
au roi, beaucoup la paieront de leur vie.
Dans le même temps apparaît la Chouannerie, qui s'allume simultanément
en forêt de Fougères et en Mayenne, non loin de Laval. Le mouvement
est paysan, plus catholique encore que royaliste, mais bien des
chefs sont nobles, tel Aimé du Bois-Guy, un Fougerais de 17 ans,
aussi impétueux que brave.
Les
chouans rejoignent l'armée vendéenne en route vers Granville, et
30 000 hommes assiègent Fougères. Les républicains, retranchés dans
la ville, sont vite submergés. Château et cité succombent sous le
nombre, le maire est fusillé. Les bleus reviendront en force quinze
jours plus tard, puis l'armée catholique et royale investira Fougères
à nouveau. Flux et reflux des troupes laisseront chaque fois leur
jonchée de cadavres, et l'on achèvera même les blessures sur leurs
grabats d'hôpital.
Dans tout le pays fougerais, embuscades, tueries, pillages, dénonciations,
vengeances, engendreront des haines tenaces qui subsisteront bien
après la fin de cette guerre inexpiable, en 1800.
4b - Le XIXe siècle
L'empire déploie ses
fastes, Napoléon parcourt l'Europe, une cohorte de vainqueurs à
ses cotés. Parmi eux, un Fougerais, le général Baston de la Riboisière,
de qui relèvent les foudres de l'artillerie, à Austerlitz comme
à Iéna, à Eylau comme à Smolensk, ou encore à la Moskova. Mais à
Fougères, les blessures sont trop fraîches, et les combats fratricides
trop récents, pour être facilement oubliées aux fanfares de la gloire
nouvelle.
Tout ce bruit ne dure guère, et Fougères reste comme stupéfaite
et secrètement nostalgique de ce long passé qui semble s'en être
allé. Aussi elle s'accommode de ses fières murailles, même envahies
par le lierre. Dans un site qui garde sa grandeur, le château désormais
déserté dresse encore son solide profil. Fougères est prête pour
la poésie. Elle voit venir à elle écrivains et artistes, qu'elle
va séduire par ses vallons romantiques autant que par son étonnante
histoire. Elle entre dans les lettres.
Déjà, elle avait longuement reçu Chateaubriand. Descendu chez ses
sours, il était adopté. Voici aujourd'hui Balzac, Hugo, Musset,
Devéria, Maxime du camp, et plus tard Nerval et Mérimée. Tous restent
sous le charme, et trouvent l'inspiration.
Si la vie artisanale et commerciale est certes restée très active
à Fougères, on peut dire cependant que la ville se réveille au milieu
du siècle. Elle s'ouvre à l'ère industrielle qui va lui donner un
essor nouveau et remodeler la configuration de son emprise urbaine,
à tel titre qu'après 1900, elle sera connue surtout comme centre
de manufactures de chaussures et comme ville ouvrière. La promotion
touristique est pour plus tard.
4c - Le XXe siècle
Fougères devait souffrir
une fois encore l'épreuve de la guerre. Occupée depuis 1940 par
l'armée allemande, elle subit le 9 juin 1944 un sévère bombardement
de l'aviation anglo-américaine. Le bilan fut lourd : 300 mort, 500
blessés, certaines usines inutilisables, la moitié des habitations
détruites ou gravement endommagées.
Les fougerais ont relevé les ruines avec courage, mais le visage
de la ville à nouveau s'est trouvé profondément modifié. Après les
combats de la Libération, Fougères s'est vu décerner la croix de
guerre, comme le rappelle à tous, non sans fierté, une décoration
florale du jardin Public. Cette distinction voulait rendre un juste
hommage aux combattants, aux résistants et aux déportés fougerais.
Elle honore aussi une cité qui paya de bien des assauts et de bien
des drames sa position de citadelle avancée du duché breton, toujours
exposée au coups, mais dont la loyauté fidèle, malgré ses maîtres
du moment quelquefois, ne manqua jamais au pays de France.
Texte de J.R
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