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Château de Josselin


L'histoire du château aux travers
des siècles et des propriétaires

3 - Le château de Josselin à l'époque de Jean II

C'est alors que la que la fidélité des Rohan au roi de France est vraiment récompensée. En 1491, Charles VIII épouse la fille du duc François II, Anne de Bretagne. Événement d'une importance historique considérable, puisqu'il constitue le premier acte de l'union de la Bretagne à la France. Pour remercier Jean II de l'avoir aidé à conquérir la main de la tant convoitée d'Anne de Bretagne et aussi pour le dédommager, car Jean II avait d'abord souhaité, semble t-il, marier sa nièce à son propre fils, Charles VIII donne au vicomte de Rohan les revenus de la châtellenie de Dinan et de Léhon, et le gratifie d'un Billot, produit d'une taxe sur les boissons de cinq années, pour contribuer à la restauration de ses châteaux.

L'édifice se compose d'un vaste corps de logis, tout en façade, construit en granit. Au dessus du rez de chaussée, d'immenses lucarnes à deux étages sont reliées entre elles par une galerie à jour. Le parti choisi par le maître d'ouvre consista à donner à la toiture d'ardoise une exceptionnelle importance, comme l'explique le professeur André  Mussat dans une étude sur Josselin, publiée par la Société française d'archéologie. "Ceci conduisait à donner aux lucarnes passantes, écrit-il, fort à la mode dans les années 1500, un développement extraordinaire... Un effet saisissant est ainsi obtenu : le regard se porte vers les parties hautes, ce qui rompt le caractère horizontal de ce long bâtiment, caractère conclu de façon magistrale par une balustrade aux motifs, renouvelés de travée en travée."

Longtemps, on a attribué cette oeuvre à Alain VIII et à son fils Alain IX, le père de Jean II, parfois même à Olivier de Clisson, du moins pour certaines parties. Ce sont là des hypothèses peu plausibles. D'une part, on voit mal comme cette façade, qui apparaît tout à fait homogène, aurait pu être édifiée en plusieurs campagnes de travaux. D'autre part, on y retrouve tous les caractères de la fin du XVe siècle : arcs en accolade très surbaissés, ornementation très riche, choux très frisés, galbes et pinacles très aigus, galerie ajourée... De plus, certains détails sont identiques à ceux du château de Pontivy, que Jean II faisait reconstruire en 1486, et qui fut terminé en 1505.

La façade, longue de 60 mètres est magnifiquement sculptée. Au rez-de-chaussée, fenêtres et portes sont surmontées par des arcs en accolade décorés de choux frisés. Dans la partie médiane, deux portes percées côte à côte indiquent la présence de l'escalier central. Elles n'ont ni la même taille ni le même dessin, et on voit aisément que la véritable entrée est celle située à gauche, en face du départ de l'escalier. Ainsi l'escalier du château de Josselin a t-il été délibérément souligné et intégré à l'architecture de la façade, alors qu'il ne comporte aucun décor intérieur, comme le souligne le professeur André Mussat dans son étude sur l'escalier à la renaissance.

Au dessus, dix grands lucarnes à deux étages sont reliées entre elles par une galerie découpée à jour reposant sur une corniche en encorbellement. Elles comportent dans leur partie inférieure une grande fenêtre rectangulaire, divisée en six carrés égaux, et garnie du même encadrement et des mêmes moulures qu'au rez-de-chaussée. Chaque grande lucarne est dotée d'un trumeau richement sculpté dont le dessin est chaque fois différent, et qui sépare la grande fenêtre d'une fenêtre plus petite placée au dessus.

Sur le trumeau de la septième lucarne, à partir de la gauche si on fait face au château, on peut remarquer l'inscription "A PLUS" utilisée deux fois, les lettres étant curieusement placées de bas en haut. Il s'agit là de la devise des Rohan, devise qui signifie "Sans plus", sans supérieur. Entre les lettres A et P de chaque côté, on aperçoit un porc-épic, emblème du roi Louis XII.

Au sommet des grandes lucarnes, caractérisées par un gâble très aigu, on peut admirer des tympans ornés tantôt d'un A couronné, tantôt d'un écu armorié. Enfin, la galerie à jour, véritable dentelle de granit qui court tout au long de la façade entre les lucarnes, apparaît comme une merveille de raffinement et de fantaisie : des A couronnés, des macles en forme de losange, emblème des Rohan, des fleurs de lys, la devise A PLUS, des hermines stylisées, des cordelières, des arabesques et bien d'autres motifs encore s'y succèdent et s'y entremêlent avec ingéniosité et harmonie, l'ensemble constituant l'un des plus beaux et des plus remarquables témoignages du Gothique flamboyant, tel qu'il a triomphé à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle.

Car si l'ouvre de Jean II au château de Josselin est contemporaine d'autres oeuvres de premier plan de Bretagne, bien différentes, par exemples celle du maréchal de Gié à la Motte-Glain, celle des Laval à Vitré et à Châteaubriant, ou encore celle des Goulaine, elle rappelle très fortement aussi plusieurs châteaux et logis royaux comme Amboise, Meillant, ou encore Fontaine-Henry. Contrastant avec la sévérité du style nouveau, appelé souvent "Louis XII", a apporté à toutes ces oeuvres architecturales du début de la Renaissance, en particulier au château de Josselin, une élégance, une harmonie et un raffinement incomparables.

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