L'histoire du château et des seigneurs
2 - Le château au XIVe siècle
Quels
vestiges nous restent de ces temps troublés ? Le premier pont-levis
date de cette période. On franchit une porte ogivale et nous entrons
dans un espace étroit qui, à l'origine, devait être couvert et constituait
le châtelet d'entrée dont il ne subsiste que le centre.
La construction de la pièce maîtresse du château, l'invincible donjon,
a sans doute été entreprise par Etienne III (vers 1310-1353) puisque
les archères de la base sont antérieures à l'apparition du canon
en Bretagne (1364). Par contre les ouvertures de l'étage ont été
aménagées pour recevoir des petits canons qu'on appelait couleuvrines.
Au sommet du donjon, sur le chemin de ronde, les mâchicoulis permettent
d'expédier des pierres d'assez grande taille sur les assaillants,
de décrocher des flèches. La Forme cylindrique de la tour est caractéristique
de l'art militaire du XIVe siècle et sa base évasée donne à la fois
une très grande assise à l'édifice et facilite le rebondissement
des pierres jetées sur les ennemis.
Les meurtrières de la base du donjon sont situées sur un bandeau
de pierres délimitant le premier niveau. Cette base est orientée
: on peut y voir, aux points cardinaux, scellés dans la maçonnerie
primitive, les symboles des évangélistes (à l'ouest l'ange de Saint-Mathieu,
à l'est l'aigle de Saint-Jean, au sud le lion de Saint-Marc et au
nord le bouf de Saint-Luc). l'ange et le bouf sont en parfait état
mais il faut faire un effort pour déceler les autres symboles, l'érosion
ayant fait son oeuvre.
Jean de Montfort est reconnu duc de Bretagne en 1365 sous le nom
de Jean IV. Bertrand II de Goyon (vers 1340-1380), petit fils d'Etienne
III, entretint dès 1368 d'excellents rapports avec son duc. C'est
à cette période que fut complété le château par une enceinte dont
quatre tours subsistent. La base de chaque tour est évasée et contient
une "oubliette" en forme d'entonnoir, ces oubliettes qui
déchaînent l'imagination. Peut-être ont-elles servi de geôle à quelques
récalcitrants d'alors, mais pour les dégager, il a fallu ôter tous
les détritus que la soldatesque y avait accumulé au cours des siècles.
Voulant confisquer la Bretagne à son profit (Jean IV étant en Angleterre
depuis 1375) le roi de France Charles V rencontra l'opposition des
hauts barons bretons, et une ligue se forma pour se porter au service
du duc et lui demander de revenir. Jean IV débarqua sur la Rance,
non loin de Saint-Malo le 3 août 1379, il ne s'attarda pas dans
la région
malouine où Du Guesclin guettait les Anglais. Il est incontestable
que le château existait alors, puisque Du Guesclin, connétable de
Charles V, expédia une troupe pour en entreprendre le siège en 1379.
Laissons parler le connétable à ce sujet : "Et la manière comme
ils m'ont baillé cette forteresse, qui a esté assés dure",
les assaillants ont certes pris la forteresse mais celle-ci s'est
défendue vaillamment. Le château confisqué fut restitué deux ans
plus tard à Etienne Goyon par le traité de Guérande (1381) qui mit
fin au conflit entre la Bretagne et la France. Les Goyon-Matignon
cessèrent de résider dans leur forteresse vers 1420 lorsque Jean
1er Goyon, fils de Bertrand III Goyon, épousa Marguerite de Mauny,
héritière de Thorigny. Le commandement du château fut alors confié
à un gouverneur souvent choisi parmi la branche cadette. Le château
s'enrichit du logis du gouverneur qui existe toujours et où loge
le propriétaire et sa famille. Ce logis est accolé à la muraille
et a subi des remaniements. On pense aussi que les nombreuses petites
maisons accolées aux courtines datent du XVe siècle.
Hormis la guerre, les occupations des Goyon devaient être celles
de tout seigneur à l'époque : la chasse, les plaisirs de la table
et les divertissements. Mais entre la construction et le départ
des Goyon de leur Bretagne natale, il ne s'est écoulé que soixante-dix
ans environ, soixante-dix années troublées par la guerre de Succession
de Bretagne sur toile de fond de guerre de Cent Ans. On imagine
sans peine que les seigneurs ont consacré beaucoup de temps à la
diplomatie et à la défense de leur duc.
Quand on visite le donjon, il faut se pénétrer de l'idée que, seule
la pièce du premier étage était habitable, une pièce unique pour
vivre. La voûte sur croisée d'ogives du second étage, supporte les
dalles de Saint-Cast qui constituent le toit chapeauté par un parapet
crénelé. Cette pièce qui donne un accès direct sur le chemin de
ronde était la salle des Gardes.
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