L'histoire du château et des seigneurs
5a - Le château au XVIIIe siècle
Le premier commandant
nommé en la place fut le Sieur de la Panouse, on était loin des
Goyon-Matignon qui, de la Normandie à la cour, avaient poursuivi
sans accroc leur ascension sociale. Le vieux fort dont ils étaient
toujours propriétaires en l'an 1716, fut restauré aux frais de l'état.
Tout le XVIIIe siècle fut occupé par des travaux incessants et l'état
s'en plaint. On imagine sans peine que les canons qui vibraient
devaient quelque peu ébranler les piles qui soutiennent le pont-levis.
Les Goyon-Matignon furent par la suite consultés quant au choix
du gouverneur qui, à cette époque, ne résidait pas sur place, lui
préférant une demeure plus confortable. La milice des paroisses
et les soldats gardes-côtes étaient réquisitionnés dans les villages
avoisinants. Protection des bateaux, intervention en temps de guerre
où l'effectif passait à environ cinquante hommes, canons pointés
vers le large et la baie de la Fresnaye, le fort poursuivait sa
carrière militaire. Les canons de la Corbière de Saint-Cast en vis
à vis lui donnaient la réplique, le croisement des boulets interdisait
à tout ennemi de s'aventurer plus avant dans la baie. "Nos"
bateaux étaient protégés et l'ennemi n'avait plus qu'à rebrousser
chemin. La célèbre bataille de Saint-Cast et il n'est fait mention
en 1758 se déroula à quelques enclâblures de ses batteries et l'on
pense que les soldats devaient être sur le pied de guerre. Le combat
eut lieu sur la plage de Saint-Cast et il n'est fait mention du
Fort La Latte dans aucun texte...
5b - 1715, une
année particulière pour le château
Pour les Français c'est
une avant tout l'année de la mort de Louis XIV. Sur son rocher battu
par les flots, le fort joue son rôle de vigie et de défense de la
Fresnaye.
Un bâtiment contenant les cuisines, accolé à la tour d'angle sud
s'effondra avec son terre-plein. En observant bien la tour, on voit
les traces de son toit.
La même année, en octobre, François-Léonor de Matignon épouse Louise-Hippolyte
Grimaldi, duchesse de Valentinois à condition de prendre les armes
des Grimaldi sans y joindre les siennes. En quatre siècles, l'itinéraire
pourrait s'intituler "D'un rocher à l'autre". Les princes
de Monaco ont donc du sang Breton !
Toujours en cet an de grâce 1715, en novembre précisément, le fort
reçut dans des conditions bien particulières un hôte de marque.
Hôte qui n'apprécia pas l'hospitalité du lieu... Jacques Stuart,
chevalier de Saint-Georges, prétendant à la couronne d'Angleterre
vint y échouer un soir de tempête. Comme le vent ne cessait pas,
il est contraint d'y séjourner et voici ce qu'il en relate : "Ce
château était bien le plus triste endroit où jamais homme eut vécu,
ni un morceau de bois pour préparer nos aliments, ni aucun objet
de nécessité... Ainsi nous fûmes obligés de manger de l'orge, et
un pain grossier avec ce qu'il fut possible d'obtenir des paysans
en volaille, lait et oeufs".
5c - Le château
pendant la période révolutionnaire
Il
faudra attendre 1793 pour que le fort soit militairement occupé.
D'après les rapports qui sont remis au Ministre de la guerre, le
château n'est pas en bon état. On va donc parer au plus urgent.
Les soldats sont recrutés parmi les citoyens de la garde nationale
de Plévenon, Pléhérel, Plurien. Le Vaurouault fournira le bois et
Bienassis matelas, bois de lit, couvertures et même chaînes de pont-levis
(le Vaurouault était maison nationale et Bienassis bien d'immigré).
Le citoyen Guillaume Droguet de Plévenon commandera le poste et
lèvera une compagnie de soixante hommes. Les répartitions envisagées
se font lentement et l'acheminement du matériel nécessaire aux guerriers
en place tarde. On attend beaucoup et on bricole un peu : rebouchage
au mastic des fentes des affûts de canon, peinture, petits travaux
sur les plates-formes des batteries de canon... Les uniformes aussi
se font attendre et certains soldats se lassent. D'élections en
recrutements, la vie au château se poursuit, bien paisible malgré
le dénuement dont se plaint sans cesse Droguet à ses superieurs
hiérarchiques. On guette l'ennemi (Anglais, émigré et suspect) et
on s'amuse aux dépens de Chouans retenus prisonniers au fort. Ceux-ci
relaterons par la suite les "vexations inimaginables"
dont la garnison du fort s'est rendue coupable : on place les rebelles
devant un peloton d'exécution, on tire mais les fusils sont chargés
à poudre...
Dans cette attente fiévreuse de grands événements, le fort s'est
enrichi d'un four à rougir les boulets. En 1794, le Ministre de
la Marine ordonne de construire sur les côtes de la Manche des fourneaux
à réverbère (four à boulets).
Pendant les Cent Jours, le château fut pris par ruse par quelques
jeunes royalistes malouins en mal d'action d'éclat, pour fort peu
de temps. Ce fut le dernier épisode guerrier de son histoire.
Page
suivante 1 - 2
- 3 - 4
- 5 - 6 - 7
page précédente |