Description de la construction du château
6 - La défense rapprochée
La
défense rapproché reposait sur les parties hautes du donjon et des
courtines. L'état de conservation des courtines de la première enceinte
ne permet pas de savoir si elles étaient munies de mâchicoulis,
c'est à dire d'une galerie de pierre en surplomb dont le sol était
percé afin de permettre le tir vertical. Ainsi, il était possible
d'empêcher l'approche de l'ennemi. Ce type de structure permettait
de plus d'élargir le chemin de ronde circulant sur les courtines.
L'accès à ce chemin se faisait notamment à partir du donjon par
deux portes aménagées dans les façades sud-est et nord-ouest. L'examen
de la maçonnerie au voisinage de ces ouvertures ne permet pas de
conclure à une reprise postérieure à la construction du donjon.
Cela signifierait que la construction de la première enceinte a
suivi de peu celle du donjon, puisque les accès étaient déjà réalisés.
La communication avec le chemin de ronde se faisait probablement
grâce à une passerelle de bois amovible en cas de repli dans le
donjon.
Le sommet des courtines de la seconde enceinte était muni de mâchicoulis.
L'accès au chemin de ronde devait se faire par les tours, notamment
la tour Est qui est munie d'un escalier en vis. Il est possible
de distinguer dans les mâchicoulis de la seconde enceinte les deux
étapes de construction mentionnées précédemment. En effet, ceux
de la courtine Nord-ouest sont de faux mâchicoulis dépourvus d'orifices
de tir vers le bas. Il est probable que cette partie de l'enceinte
a été érigée à une époque où les progrès de l'artillerie avaient
rendu obsolètes de tels dispositifs.
La tour-résidence, quant à elle, était quasiment dépourvue d'organes
défensifs actifs propres, afin que la défense ne nuise pas à la
résidence. Seuls des hourds installés au quatrième étage assuraient
la défense. Cette galerie de bois en encorbellement, dont le plancher
était d'orifices destinés au tir vertical, permettait la défense
des abords du donjon. La structure porteuse était constituée de
poutres s"enfonçant dans l'épaisseur des murs, leurs emplacements
sont bien visibles à la base du quatrième étage. Au château de Trémazan,
les hourds ont été démantelés et les poutres soutenant la galerie
furent sciées au raz du mur, certaines d'entre elles sont toujours
en place. A partir des hourds et des mâchicoulis, les défenseurs
armés d'arbalètes ou d'arcs étaient en mesure de tenir à distance
les assaillants. Ces galeries permettaient également le jet de pierres
ou de chaux vive.
Les fenêtres des trois premiers étages étaient pourvues de grilles
métalliques dont les traces sont encore visibles sur les piédroits.
Les ouvertures pratiquées dans le donjon servaient d'abord à l'éclairage,
rôle tenu également par les rares meurtrières visibles sur la façade
nord-est.
L'entrée constitue le point faible de toute fortification, aussi
cet élément est-il toujours traité avec soin. Les portes des enceintes
et du donjon étaient donc munies de plusieurs dispositifs de défense.
La porte de la seconde enceinte se trouvait dans la tour Ouest qui
était traversée par un passage donnant sur un pont-levis. Bien que
la moitié de cette tour ait aujourd'hui disparu, on distingue encore
très nettement la feuillure dans laquelle venait se loger le pont
relevé et le logement de l'axe d'une des flèches qui permettaient
la manouvre. Aucune trace de glissière pour une herse n'est visible,
en revanche une pierre ouvragée devait recevoir l'axe d'un vantail.
Le pont assurait la communication entre la tour Ouest et une avancée
de terre permettant l'accès à l'enceinte par le nord-ouest. La position
de cet accès obligeait l'assaillant à présenter son flanc droit
aux tirs venant de la première enceinte, et son flanc gauche à ceux
de la seconde.
L'accès à la première enceinte se faisait par une porte légèrement
surbaissée dans la façade nord-est. Curieusement, la porte n'est
pas établie au centre de la façade mais est décalée vers le sud-est
de quelques mètres. Une herse interdisait l'accès à l'enceinte.
Bien conservée, sa chambre de manouvre était éclairée par une meurtrière
aujourd'hui masquée par le lierre. Cette porte ne disposait pas
d'un pont-levis, une levée de terre permettant probablement d'y
accéder. Un système de poutres de bois protégeant la herse des coups
de bélier renforçait le défense. Les poutres coulissant horizontalement
dans l'épaisseur de la courtine étaient placées au devant de la
herse puis étaient bloquées par d'autres poutres introduites perpendiculairement
de l'intérieur de l'enceinte. Les tours de la première enceinte
étaient suffisamment proches de l'entrée principale pour en assurer
la protection. Cette configuration est commune dans les édifices
de petites dimensions. Au château de Trémazan, trois tours seulement
assuraient le flanquement du fait de la faible longueur des courtines.
Les trois ouvertures du rez de chaussée du donjon n'étaient pas
dépourvues de dispositifs défensifs. La porte, très semblable à
celle de l'enceinte, est large de 1,20 m et haute de près de 2 m.
Elle était munie d'une herse actionnée au moyen d'un treuil placé
en retrait de la fenêtre du premier étage. Les poutres de bois qui
recevaient l'axe du treuil sont encore visibles dans l'embrasure
de cette fenêtre.
Malgré l'effort des Du Chastel pour adapter leur château à l'évolution
de l'art de la guerre, le château de Trémazan demeura avant tout
une résidence seigneuriale. Par son importance et ses attributs
guerriers, limités et hautement symboliques, cet édifice témoignait
de la fortune et des prétentions de la famille qui le fit édifier.
Il conserva ce rôle bien après le XVe siècle, notamment par la dimension
symbolique de son donjon.
Le
donjon du château de Trémazan constitue l'exemple de tour quadrangulaire
le mieux conservé de l'ouest de la France malgré son état de dégradation.
Les vestiges encore visibles offrent un cas intéressant de fortification
antérieure à la guerre de succession de Bretagne, laquelle est suivie
d'un renouveau qui voit l'édification ou le remodèlement de la majorité
des châteaux de la région. Surtout, son principal intérêt réside
dans le fait qu'il n'a pratiquement pas subi de modifications depuis
sa construction. Il nous apparaît ainsi dans son état originel du
XVe siècle, c'est à dire avec la quasi-totalité de ses défenses,
dans un environnement pratiquement intact.
Texte extrait du
livre "Le château fort de Trémazan"
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