L'histoire des Remparts
4 - La Tour de
Constance
Peu après le départ de saint Louis
pour la Croisade, c'est-à-dire vers 1250, les travaux de la forteresse
furent achevés. Désignée d'abord sous le nom de "grosse forte tour",
ce n'est qu'à partir du XVe siècle, dans une délibération de 1490,
qu'elle figure sous le nom de "Tour de Constance" qu'elle porte
encore aujourd'hui, sans qu'on ait été jamais exactement fixé sur
l'origine de cette désignation.
La
Tour de Constance se dresse immense, majestueuse, un peu à l'écart
de l'angle nord-ouest des remparts. Elle mesure 34 mètres 11 de
hauteur, 22 mètres 50 de diamètre extérieur, et ses murs, à leur
base, ont plus de 6 mètres d'épaisseur. L'ensemble comprend un rez-de-chaussée
et deux étapes, avec une plate-forme que surmonte une tourelle de
guet, supportant un lanternon coiffé d'une armature de fer protégeant
la lanterne-phare du moyen-âge. La hauteur de cette tourelle, appelée
Farot par certains auteurs, est d'environ 17 mètres. On accède à
la Tour par un pont de pierres à trois arches long d'une trentaine
de mètres. Lors de sa construction, on pouvait pénétrer dans la
tour par une porte, face au nord, depuis longtemps aveuglée et barrée
par une herse en bois. Cette première pièce constitue le premier
étage de la tour et était appelée la "Salle des Gardes". Au centre
de cette pièce, on remarque une ouverture circulaire ; c'est la
seule voie d'accès conduisant au rez-de-chaussée de la tour qui
servait de magasin à vivres, aux munitions, et probablement de cachot.
La Salle des Gardes mesure 10 mètres de diamètre et 12 mètres de
hauteur de-voûte; aménagée en vue d'un siège, elle possède un four
pour la cuisson du pain, un puits fournissant l'eau potable et une
citerne pour recueillir les eaux de pluie. Un escalier de pierre,
en Spirale, conduit, par ses 190 marches, de la Salle des Gardes
à la plate-forme de la tour. Mais avant d'arriver à la plate forme,
on rencontre d'abord un chemin de ronde intérieur qui domine la
Salle des Gardes et renforce le système de défense. Au-dessus se
trouve la salle des Chevaliers qui est sensiblement la même que
la salle des Gardes et qui forme le deuxième étage de la tour.
Cette salle est précédée d'un vestibule voûté, à colonnes surmontées
de chapiteaux délicatement sculptés. La tradition donne à ce vestibule
le nom Oratoire de saint Louis, appellation qui paraît bien justifiée.
La tour s'élève au milieu d'un large fossé, comblé depuis longtemps,
que circonscrivaient, du côté de la ville, les remparts quand ils
furent construits, et du côté du port, un mur circulaire, sorte
de contrescarpe, dans laquelle était ménagé le canal d'amenée des
eaux remplis sant le fossé. Ce fossé fut desséché en 1670, et son
emplacement devint ce qu'on appela la conque de la tour, dont on
fit une promenade pour les détenus de la forteresse.
Le mur de la conque a été démoli en 1835 et en 1837, le pont d'accès
de la tour ayant besoin d'être réparé, le Génie, ne tenant aucun
compte du vu exprimé par le Conseil municipal de l'époque,
boucha les trois arceaux de ce pont. Après un siècle, l'administration
des Beaux-arts, mieux inspirée, vient de faire déboucher ces trois
arceaux et consolider la caponnière. Pour compléter cette sage mesure,
il reste à cette administration le devoir de faire enlever les grilles
en fer qui empêchent la libre circulation sous le pont en question.
Lorsqu'on est monté jusqu'au sommet, on ne regrette pas les fatigues
de l'ascension. De la plate-forme de la tour, comme du parapet de
la tourelle, la vue s'étend en un large panorama sur les étangs,
les salins, les vignobles et la mer d'un côté, sur la plaine fertile
de l'autre, avec le mont Ventoux comme fond de tableau. La Tour,
construite pour saint Louis, ne garda pas longtemps sa qualité de
résidence royale; les rois, d'ailleurs, ne firent plus que
de rares et courtes apparitions à Aiguës-Mortes après saint Louis.
Elle devint prison d'Étatà partir de 1307, en ouvrant ses
portes à 45 Templiers. Aux XIVe et XVe siècles, des princes royaux
y furent enfermés. Au XVIe siècle, le parti calviniste, étant le
plus fort à Aiguës-Mortes, y emprisonna des magistrats de la ville
dans la geôle du rez-de-chaussée. Au XVIIe, ce sont des religionnaires
qui, pour délit de conscience, y sont enfermés. Au XVIIIe siècle,
c'est le tour de malheureuses femmes et jeunes filles protestantes
qui y sont séquestrées pendant de longues années. Enfin, en 1815,
la tour servit de prison encore une fois. Après Waterloo, la petite
garnison d'Aigues-Mortes, surprise par un parti de royalistes, fut
désarmée et ses officiers se virent enfermés dans la tour, d'où
ils ne sortirent qu'à l'avènement de Louis XVIII.
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