Descritif du château
2 - La "roche" de Brézé
L'accès
au souterrain du " castrum " se fait, depuis les douves,
par un pont-levis sur fosse qui est partiellement taillé
dans la roche. Ce pont reprend l'emplacement d'une galerie inférieure
qui passait sous les douves. Depuis ce pont-levis, défendu
par un réseau de galeries à meurtrières et
bouches à feu, on pénètre dans le réseau
interne du château non sans avoir franchi un triple sas d'entrée
conservant une grille et une porte de bois du XVIe siècle.
Cette dernière est placée à l'extrémité
d'une longue galerie principale qui faisait jadis communiquer le
château médiéval disparu, avec les douves. La
galerie est de forte déclivité et de très grande
section. Plusieurs amorces de souterrains donnent sur son tracé
et l'on remarquera des traces d'usure de chariot sur le côté.
Ces derniers freinaient leur descente en frottant leur essieu contre
la paroi rocheuse. Depuis cette galerie ancienne, consolidée
au XIXe siècle par des voûtes de tuffeau encore visibles
dans sa partie supérieure, un couloir plus récent
(Xve siècle) communique avec un complexe souterrain dit "
Roche de Brézé ". On entre là dans ce
qui semble être l'origine du château.
Dès le haut moyen âge, les hommes ont tiré parti
des bienfaits de la solution souterraine pour se mettre à
couvert. Bien avant l'existence des châteaux de pierre, les
hommes ont cherché refuge au sein de la terre ou de la roche.
Bien que, faute de fouilles archéologiques menées
scientifiquement, l'on ne connaisse que très partiellement
l'étendue du phénomène des fortifications souterraines,
la France compte, là où la géologie le permet,
de très nombreuses cavités artificielles ou naturelles
fortifiées.
Les documents sont nombreux à faire état de ces habitats
dont l'origine est attestée par les textes anciens dès
le IXe siècle. Une étude, en cours actuellement, essaye
de mettre en évidence l'importance de ce type de cavités
fortifiées dans la naissance de la féodalité.
Ces cavités étaient appelées des " roches
" ou " rupes " en latin. Elles sont très présentes
dans les textes anciens et les chercheurs leur attribuaient généralement
le sens de " hauteurs " ou " falaises ". Il
semble que dans la plupart des régions de France, cette appellation
tire son origine de la présence d'une cavité "
rupes " habitée. En effet, les habitations troglodytiques
antérieures au Xve siècle étaient désignées
sous le nom de " roches ". On verra, par exemple, que
le seul Anjou compte plus de 300 toponymes de " roches "
appliqués à d'anciens fiefs et à de nombreuses
seigneuries. Dans toute la France, l'importance du nombre des toponymes
des " Roches " et " Roques " et leur emplacement,
démontrent une corrélation entre le potentiel de creusement
des sites et l'établissement de ces habitats souterrains
défensifs. On remarquera également le nombre très
important de ces sites qui sont mentionnés comme seigneuries
ou fief appartenant à des familles de très ancienne
noblesse dite également " noblesse d'extraction ".
Certaines familles angevines, comme celle de la " Roche Rabatée
", cavité encore visible à Souzay, (49) se retrouve
dans le Vendomois au XIIIe siècle sous ce nom (le Vendômois
fut conquis à cette époque par le comte d'Anjou).
Les roches sont également citées dans des villages
comme Doué, Soulanger, la Chapelle (il s'agit de deux roches
près de l'ancienne église, dont une est conservées
sous le nom de Cave Brethon-Douet et est citée au XIIe siècle).
L'ensemble de ces roches médiévales est suffisamment
important pour mériter une étude de fond et leur mention,
dans des actes notariés et autres documents d'époque,
facilite le travail de recherche en ce domaine. On signalera, par
exemple, la " Rocha Salmuri " qui est mentionnée
dans un acte de 1270 comme cédée au châtelain
de Saumur (titre alors donné au gardien du château).
Les roches sont légion dans toute la France et, comme à
la Roche-Guyon (citée dès l'an 861), portent avec
fréquence le nom de leur propriétaire et seigneur
fondateur. Signalons également que la forteresse de Château-Gaillard,
célèbre fortification dont le sous-sol est également
creusé, s'appelait autrefois le château de la "
Roche " !
La roche qui est située sous le château qui nous occupe,
est dite " de Brézé " et apparaît
comme telle dans les archives de la famille en 1519. On verra que
cette dernière conserve un caractère fortement marqué
par une forme commune aux XIe et XIIe siècles (elle peut
être antérieure). Les habitats creusés de l'époque
sont établis, lorsque la géologie et le relief plat
le permettent, verticalement dans le sol. Un puits, de forme carrée
et assez étroite, est creusé et forme une sorte de
fosse autour de laquelle vont être, à leur tour, creusées
les différentes pièces de l'habitat. Ces pièces,
disposées en trèfle autour du puits central, prennent
la lumière du jour au travers d'étroites ouvertures
évasées vers l'intérieur et s'ouvrant au-dessus
du niveau des plafonds rocheux intérieurs. Ces puits étaient
dotés de barres de bois (dont on voit encore bien les boulins
d'encastrement dans la Roche du Château de Betz) qui empêchaient
ou freinaient les possibilités d'attaque par l'extérieur
et rendaient plus difficiles les tâches de bourrage de la
fosse par des branchages destinés à l'enfumage.
On
ne peut actuellement, à défaut de fouilles archéologique
menées en extension et également en surface, si ces
" roches " fortifiées complétaient des installations
plus précaires et moins stratégiques au dessus du
sol. Tout porte à croire que tel était le cas et que
la partie souterraine devait être, pour les seigneurs de l'époque,
l'équivalent du donjon dans les châteaux bâtis
plus tardifs.
Les plus anciens de ces habitats ne comportent pas de cheminées
et l'une des étroites fenêtres semble (traces de rubéfaction),
dans certains cas, avoir servi à l'évacuation des
fumées. Il faut savoir que l'invention des cheminées
à conduit fermé est assez récente (XIe siècle)
et que la non-présence de ce type d'installation n'écarte
pas la possibilité de présence de foyers ouverts.
La disposition du puits vertical, servant à l'aération
et à la lumière, conjuguée avec la profondeur
et l'étroitesse des baies (20 cm de largeur extérieure
moyenne), empêchaient toute tentative d'incursion par cette
voie. L'évasement des baies et leur emplacement montrent
tout de même un souci de recherche d'une luminosité
maximale. La disposition et la forme des ouvertures empêchaient
l'enfumage des salles souterraines par un dispositif de tirage naturel,
en se servant du puits central comme d'un gigantesque conduit.
L'accès à l'habitat souterrain ou à l'habitat
fortifié se réalisait par le biais d'un couloir étroit,
généralement coudé, qui donnait dans le terrain
au-dessus (ou dans une structure habitée légère),
et dont le premier tronçon était généralement
couvert de pierres en bâtière. La roche de Brézé
est l'une des mieux préservées de ces cavités
médiévales dont on connaît de très nombreux
exemplaires dans la région (Betz-le-Château, les caves
de la Bouchardière, la ferme de la Voûte à Seuilly,
etc
). Elle conserve une grande partie de ses aménagements
primitifs. On y verra, entre autres merveilles, de beaux silos dont
la concentration et le volume semblent indiquer une origine seigneuriale
(d'autres silos de même nature sont visibles à Douces,
à la Roche Clermaut, à Rochambeau, à la Roche
Corail...). L'importance de leur volume est le signe d'un rôle
foncier en total décalage avec la nature des réserves
d'une seule famille paysanne. Le couloir d'accès, donnant
aujourd'hui dans la cour d'honneur du château, est également
conservé mais, a perdu une partie de son système de
défense du fait des transformations et de la reprise en carrière
d'une partie des cavités sous-jacentes.
Le puits central est également conservé en assez bon
état et montre les étroites fenêtres fortement
évasées vers l'intérieur. Ces salles sont aujourd'hui
destinées à présenter l'histoire de Brézé
et de son château. On y verra les divers éléments
lapidaires conservés qui ont trait au site, ainsi que divers
éléments archéologiques liés à
l'occupation du territoire au fil des époques. Depuis cette
ancienne cavité, supposée à usage d'habitat
ou réduit seigneurial, un couloir donne accès à
d'autres salles qui semblent avoir été ajoutées
postérieurement et qui communiquaient avec l'extérieur
par le biais d'une pente douce. Cette dernière permettait
de descendre des animaux et était défendue par des
archères ou trous de visée, qui se voient encore malgré
le remblaiement du couloir (dans la salle de la mangeoire). À
partir de cette salle, un couloir mène à un escalier
du XVIe siècle desservant les caves du logis principal du
château.
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