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Texte de Philippe
BEZARD-FALGAS
(1997)
  1. Les origines
  2. L'arrivée de l'hérésie
  3. Echecs de l'église
  4. Nouvelle croisade
  5. Philippe Auguste
  6. Départ croisade
  7. Simon de Montfort
  8. Raimond VI se rebiffe
  9. La bataille de Muret
  10. Le siège de Toulouse
  11. Deuxième croisade
  12. Résistance Cathare
  13. Siège de Montségur
  14. L'intégration
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Articles
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COUPABLE DE CROISADE

La croisade contre les albigeois 1208 - 1243

14a - L'intégration

Depuis le traité de Paris, les pays du midi étaient désormais sous la coupe du roi de France : directement, pour les fiefs de Simon de Montfort, après le renoncement d'Amaury, son fils, indirectement, pour le comté de Toulouse, avec le titre retrouvé de Raimond VII. Mais le traité de Paris est un contrat inique qui refuse aux descendants de Raimond VII la légitimité du titre. Seule la fille de Raimond, Jeanne, mariée à Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, et enlevée de force à sa mère pour être emmenée à Paris auprès de la régente Blanche de Castille, est l'héritière du titre et des fiefs. Tout autre descendant direct, même officiel, de Raimond VII ne sera pas reconnu. De plus, si la princesse ne procrée pas, le comté de Toulouse sera automatiquement intégré au domaine royal. Raimond VII, tenu par ce traité qui lui a été exigé quasiment de force, essaiera de renverser la situation, notamment en s'alliant au comte de la Marche, Hugues de Lusignan, à qui il avait essayé auparavant de marier Jeanne. Le comte de la Marche est le meneur de la ligue des seigneurs qui vont essayer de lutter contre le pouvoir royal grandissant en se rebellant contre la régente. Mais ce mouvement n'aura pas de suite, et Raimond sera forcé de rentrer dans le rang. En 1249, Raimond VII meurt, la princesse Jeanne hérite mais c'est son mari Alphonse de Poitiers, frère du roi, qui devient comte de Toulouse. Il viendra à Toulouse seulement deux fois avant sa mort en 1270. De retour de la VIII° croisade au cours de laquelle Louis IX mourra devant Tunis, Alphonse de Poitiers, meurt à son retour en France ; sa femme Jeanne, qui l'avait accompagné en Croisade, meurt un jour plus tard. Selon les termes du traité, le comté de Toulouse est intégré au domaine royal. C'est la fin définitive du comté de Toulouse en tant que territoire autonome et indépendant.

14b - Les coupables

Le Languedoc a été dévasté pendant près de cinquante ans, il a perdu son indépendance et une partie de sa culture et sa population a été décimée. Il remettra des dizaines d'années pour se relever économiquement mais contestera chaque fois qu'il le pourra le pouvoir central français. Qui sont donc les responsables et les coupables ? Bien sûr, les languedociens avaient embrassé une religion hérétique qui ne rentrait pas dans la normalité du temps. Les seigneurs du midi ont protégé systématiquement leurs sujets sans s'inquiéter de leurs croyances. C'était peut-être de l'inconscience de leur part, mais peut-être était-ce plutôt de l'inquiétude face aux menaces sous-jacentes exprimées par l'Eglise. Le catharisme est une explication des besoins spirituels des languedociens, mais certainement pas une menace directe pour la société occitane.

Ca l'a été par contre pour l'Eglise catholique, ou plus exactement pour le Pape, gardien de l'intégrité et de l'orthodoxie de la Chrétienté. Il est normal que le pape ait voulu lutter contre l'hérésie, et nous l'avons vu, il a épuisé tous les moyens de redresser la situation. Sa responsabilité dans le lancement de la croisade est revendiquée et affirmée, mais sa faute fut alors de confier la croisade à des personnages qui l'ont utilisée à des fins purement personnelles et surtout intéressées. En fait, c'est bien les personnages-clefs qui ont fait de la croisade ce qu'elle est devenue par la suite, et non les idées développées d'un coté par l'Eglise et de l'autre par les cathares. Les légats et les évêques du Languedoc et au premier plan, Arnaud-Amaury et Foulques, évêque de Toulouse, sont directement responsables de la croisade, de ses agissements et de ses égarements. Ils sont coupables d'avoir abusé des pouvoirs qui leur avaient été accordés par le pape ; ils sont coupables d'avoir imposé leur vision personnelle de la lutte contre l'hérésie, et surtout contre les seigneurs occitans. Ils sont aussi coupable d'en avoir profité pour s'imposer comme un pouvoir politique incontournable et quelque fois usurpateur. Ils ont été les maîtres réels de la croisade en étant son guide moral, et en bénissant les massacres perpétrés par Simon de Montfort. Ce dernier, quant à lui, n'a été que l'exécuteur des basses-oeuvres en essayant de profiter de la situation pour se tailler un domaine le plus grand possible. Ceci ne lui fut pas reproché, au contraire. Car le but principal de la croisade n'a pas été l'éradication de l'hérésie cathare, mais bien la conquête de territoires et le remplacement d'une noblesse locale par celle qui conduisait la croisade. Simon de Montfort, avec la bénédiction des légats et des évêques, a détruit la dynastie des Trencavel, et luttera jusqu'au bout contre celle de Saint-Gilles. La lutte contre l'hérésie n'a donné lieu qu'à un massacre systématique mais qui aurait eu lieu même si les seigneurs occitans avaient lutté au coté de l'Eglise ; l'apparition de l'Inquisition est un épiphénomène de la croisade et constitue une histoire presque séparée.

Pourtant, si les coupables principaux sont bien les meneurs de la croisade, en paroles et en actes, il en est un qui profita en permanence de la situation et tira à la fin, comme le dit la fable, les marrons du feu : c'est la royauté française. Philippe-Auguste a joué en permanence : avec les barons français, pour les envoyer à la bataille conquérir une nouvelle province, avec Simon de Montfort, qu'il reconnu comme vassal tout en sachant qu'il n'aurait jamais les moyens de se maintenir et qu'il lui faudrait forcément faire appel à lui, avec le Pape en exigeant des compensations disproportionnées pour accepter son engagement par l'intermédiaire du prince Louis. Ses successeurs continueront la même politique : Louis VIII négociera avec le pape pour obtenir les titres de Aymeri de Montfort avant la deuxième croisade, Blanche de Castille conquerra le Languedoc, prenant dans ses rets Raimond VII en kidnappant sa fille la princesse Jeanne. On peut dire de manière sûre que si le Languedoc n'avait jamais intéressé le roi de France, il serait resté indépendant, et l'Eglise aurait reconnu les droits de Raimond VII. La croisade contre les Albigeois peut donc presque se résumer en une guerre de colonisation du midi par le roi de France. Encore une fois, l'hérésie ne fût qu'une parenthèse. Tôt ou tard, l'Eglise aurait trouvé un moyen d'éliminer cet abcès, et il faudra de toute façon attendre l'arrivée de pouvoirs réellement indépendants de l'Eglise, pour voir une religion différente du catholicisme avoir un caractère officiel.

Texte de Philippe BEZARD-FALGAS (1997)

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