COUPABLE DE CROISADE
La croisade contre les
albigeois 1208 - 1243
2 - L'arrivée de l'hérésie
en Languedoc
Dans le pays qui s'appellera
plus tard Languedoc, région qui s'étendait en gros de la Provence
à l'Est, jusqu'à l'Aquitaine actuelle avec la barrière des
Pyrénées au Sud, la situation était assez différente de ce qui se
passait dans les autres régions en Europe : bien que le système
féodal fût en vigueur, c'étaient les restes de la loi Romaine qui
administrait les villes et les campagnes. Le droit d'aînesse, par
exemple, qui était de mise dans les états du Nord, n'était pas utilisé
dans le midi, les propriétés étant partagées ou mises en "seigneuries
multiples". La vie sociale intégrait déjà des assemblées de citoyens
avant l'heure, les consuls ou capitouls, qui avaient un pouvoir
notamment économique non négligeable et qui administraient notamment
les villes nombreuses et puissantes. Les seigneurs féodaux devaient
composer avec ce pouvoir "municipal". Le développement économique
de la région était important dans une société où le servage était
rarement en vigueur. Il faut souligner qu'il y avait à l'époque
un esprit de tolérance assez remarquable, qui permit à nombre de
communautés rejetées dans d'autres pays de prospérer ou en tout
cas, de vivre sans contrainte : c'est vers la fin du XII° siècle
par exemple, que furent élaborés les premiers textes de la Kabbale,
étude ésotérique des Ecritures juives, écrits par un rabbin dans
la région de Narbonne. Il faut aussi remarquer le rôle des femmes
dans la société occitane.
Dans ce milieu ouvert et relativement riche, un aspect classique
de société développée va apparaître : c'est le coté "culturel" comme
on dirait aujourd'hui. Les chansons des troubadours vont connaître
un développement important, avec un intérêt populaire non négligeable.
Cet essor culturel va déteindre même sur les pays du Nord, où les
troubadours seront copiés ou traduits mais rarement égalés. D'un
point de vue politique, l'autorité la plus importante est bien sûr
le comte de Toulouse et ses plus grands vassaux : le vicomte de
Carcassonne et de Béziers, le comte de Foix, le comte de Bigorre
et les nombreux autres seigneurs possédant des terres et des forteresses.
Le midi en est particulièrement bien pourvu depuis les combats contre
les arabes et du simple fait de la féodalité ambiante.
Dans
cette société prospère, l'hérésie apparaît vers le milieu du XII°
siècle, et s'implante petit à petit à la fois dans les quartiers
populaires, mais aussi, et ça c'était nouveau, dans les cercles
aisés et dans la noblesse. Sans aller chercher des restes de la
vieille religion chrétienne arienne du temps des Wisigoths, il faut
chercher les raisons de cet engouement dans un rejet du clergé catholique
et notamment des éminences : cardinaux, évêques et abbés, mais aussi
peut-être dans une recherche spirituelle plus accentuée. Alors que
le catharisme est une religion mettant la priorité sur l'aspect
spirituel et philosophique, le christianisme, tel qu'il existait
à l'époque, avait intégré les coutumes locales ainsi que les superstitions
et il était orienté dans le but de donner un guide pratique de la
vie de tous les jours dans tous les domaines à tous les analphabètes
qui peuplaient les campagnes et les villes, et à les intégrer à
la société. Le spiritualisme était l'apanage des communautés monastiques,
encore que celles-ci étaient surtout vues de l'extérieur comme des
centres économiques plus que comme des centres réellement religieux.
On peut aussi raisonnablement penser que cette progression fut peu
endiguée par le bas clergé local qui se trouvait souvent quasiment
abandonné par ses supérieurs.
L'hérésie va s'organiser d'autant plus facilement qu'elle va bénéficier
de protections. Par contre, elle ne va jamais s'ériger en système
politique, et ceci pour les raisons que nous avons vues au-dessus
: le renoncement aux valeurs matérielles, et en premier lieu la
richesse et le pouvoir. Les Parfaits sont des hommes ou des femmes
pauvres vivant de l'aumône qu'on leur fait, et ne gérant aucune
fortune ou fief personnel, les biens reçus des croyants cathares
étant mis à la disposition de l'ensemble de l'eglise cathare. Les
seigneurs protecteurs des hérétiques, quant à eux, le font plus
par calcul face au pouvoir de l'Eglise que par conviction réelle,
bien que certains aient eu dans leur famille des parfaits ou des
parfaites déclarés. Le pouvoir temporel est donc séparé du "pouvoir"
spirituel qui n'est pas exercé par les hérétiques de manière coercitive
comme l'était le christianisme à l'époque. Le pouvoir politique
n'est donc pas basé sur les croyances albigeoises, et l'église cathare,
si elle est protégée par les seigneurs, n'a jamais constituée une
force politique.
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