COUPABLE DE CROISADE
La croisade contre
les albigeois 1208 - 1243
5a - Philippe Auguste
Le roi de France est
un homme énergique dont l'ambition politique avouée est de faire
du royaume de France le premier du monde chrétien, d'abord par son
influence politique, et ensuite par son expansion géographique.
A l'époque médiévale, l'expansion d'un fief ne pouvait se faire
que par deux moyens : l'alliance (mariage, héritage, legs...) ou
la guerre qui devait être avalisée par l'Eglise Catholique. Philippe
Auguste travaillait déjà fortement à l'époque pour une expansion
du domaine royal, notamment dans le Nord et à l'Est face au roi
d'Angleterre, aux grands féodaux et aux princes allemands. De plus,
le roi de France avait parfaitement compris que s'il voulait avoir
une influence politique de premier plan, il lui fallait avoir des
appuis dans l'Eglise elle-même. Pour s'assurer de cet avantage,
Philippe Auguste va placer petit à petit des personnages à sa solde
au sein même des cardinaux. Son système sera repris par ses successeurs,
et aboutira au déplacement du Saint-Siège à Avignon, en territoire
quasi français près d'un siècle plus tard. Enfin, Philippe est le
premier roi qui aura la volonté de développer une royauté puissante
face à des seigneurs féodaux qu'il combattra pour les affaiblir,
en devenant l'allié des autres classes sociales : le clergé et les
bourgeois. Il utilisera même les services des Templiers qui deviendront
ses banquiers. Au début du XIII° siècle, Philippe Auguste a les
moyens de sa politique.
Le Pape demande le soutien du roi de France dans une possible expédition.
Philippe Auguste est évidemment intéressé mais il ne souhaite pas
s'impliquer directement car ses moyens ne le lui permettent pas.
Mais il sait que son appui est indispensable au pape, et il peut
le monnayer. Aussi ne va-t-il pas s'engager officiellement, ce qui
va faire dire à de nombreux historiens que le roi de France se désintéresse
de cette cause. Mais le roi de France ne peut que suivre avec attention
ce qui se passe dans le midi. Après tout, les comtes de Toulouse
sont ses vassaux directs et si les seigneurs occitans se libèrent
de la tutelle de l'Eglise Catholique, ils peuvent aussi se libérer
de leur serment. A l'époque, une grande partie de l'Espagne est
sous le contrôle des arabes, et le roi d'Aragon n'a pas la puissance
des futurs rois d'Espagne, mais une alliance ou simplement la reconnaissance
de la suzeraineté du roi d'Aragon par les comtes de Toulouse prendrait
le roi de France à revers. De la même façon, le comte de Toulouse
est aussi un vassal du roi d'Angleterre, le grand rival du roi de
France. Il pouvait donc être de bon ton de mettre au service de
l'Eglise Catholique les forces de sa fille aînée, et de récupérer
tous ces grands et riches territoires pour les garder sous sa tutelle.
Mais le roi a des problèmes : il a déjà participé à la croisade
en Terre Sainte qui a entamé ses réserves financières. D'autre part,
il est en guerre quasi permanente avec son cousin le roi d'Angleterre,
Richard Coeur de Lion puis son frère Jean-sans-Terre, qui de son
coté soulève contre lui les autres seigneurs du Nord de l'Europe.
Il refuse donc d'intervenir, mais assure de son soutien le pape,
et lui propose même de l'aider dans ses négociations avec le comte
de Toulouse, Raimond VI.
5b - L'assassinat
du Légat
En 1208 en Avignon,
est organisée une réunion qui regroupe les représentants du Saint-Siège,
ceux du roi de France, et le principal accusé, le comte de Toulouse.
Une fois de plus, Raimond VI refuse tout compromis, et la conciliation
tourne court. Tout parait déboucher sur une impasse quand un événement
imprévu et tragique va pourtant fournir au Saint-Siège un motif
de lancer la Croisade : l'assassinat du légat du pape, Pierre de
Castelnau, par un proche du comte de Toulouse. C'est la goutte d'eau
officielle qui fait déborder le vase, ou en tous cas celle qui est
relatée dans la chanson de la croisade. Il est clair que la décision
de l'Eglise de lancer une action déterminante contre les seigneurs
occitans défenseurs des hérétiques était déjà prise, et que le pape
et le roi de France n'attendaient qu'une occasion de ce type pour
officialiser leur opération. Mais il fallait bien un prétexte pour
lancer l'action et convaincre les princes... La croisade est lancée.
Le comte de Toulouse est, lui, dans une position difficile : excommunié,
accusé de protection des hérétiques, le voilà maintenant mis en
cause dans cet assassinat, lui qui est quand même venu en Avignon
pour négocier avec le Saint-Siège. Le légat du pape, Arnaud-Amaury,
ne va pas hésiter : les comtes languedociens voient leurs possessions
exposées en proie aux croisés. Le comte, s'il ne réagit pas, est
dépossédé de ses terres au profit des seigneurs qui se croiseront
pour éliminer l'hérésie. Mais Raimond VI ne coupe pas les ponts.
Il part en pèlerinage et se rend à pied sur le tombeau de sa victime
présumée, Pierre de Castelnau, à Saint-Gilles. Il s'engage alors
auprès du pape et des cardinaux à rejoindre la croisade et à lutter
contre l'hérésie. Cet engagement contre ses anciens alliés et vassaux
lui permet dans un premier temps de protéger ses fiefs, car toute
possession d'un croisé est sous la protection de l'Eglise pendant
le temps de la croisade; et à terme de les récupérer. En fait, Raimond
VI n'a pas le choix : soit il se croise, soit il se retrouve en
guerre contre l'Eglise et tous les seigneurs catholiques. Le choix
est certes difficile mais le comte connaît les enjeux, et il sait
surtout qu'il sera difficile de lutter contre la féodalité européenne
tout entière. Son calcul est donc de récupérer à court terme ses
fiefs en se mettant du coté des croisés.
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