COUPABLE DE CROISADE
La croisade contre
les albigeois 1208 - 1243
4 - Il faut lancer une nouvelle
croisade !
Mais quel moyen doit-elle
utiliser ? L'Eglise est dans une position ambiguë : c'est une puissance
de première importance, financière et politique, mais elle
n'a pas de puissance militaire hors de sa principauté romaine. Chaque
fois qu'elle s'est trouvée dans une situation difficile, il a fallu
qu'elle s'appuie soit sur l'Empereur du Saint-Empire Romain Germanique,
soit sur les grands princes, le roi de France, le roi d'Angleterre,
le duc de Lorraine ou le duc de Bourgogne. En matière militaire
donc, l'Eglise a peu de moyen et doit monnayer ses expéditions contre
des avantages en nature. En effet, à l'époque le commerce de l'argent
était officiellement interdit surtout de la part du clergé. Au début
du XIe siècle, le Saint-Siège inventa la croisade et son système
"d'exonérations". Le but était de motiver religieusement des hommes
de guerre pour aller en Terre Sainte. L'Eglise proposa donc un pardon
général de toutes les fautes et péchés si les récipiendaires passaient
au moins quarante jours (la fameuse quarantaine) à combattre les
infidèles loin de leur pays. Ce système permettait de récupérer
tous les seigneurs et leurs troupes qui pillaient et massacraient
au mépris des règles édictées par l'Eglise, et il y en avait beaucoup
! Ces seigneurs voyaient ainsi leurs péchés disparaître, et du même
coup, ils recouvraient les droits sociaux donnés par l'Eglise :
droit de se marier, de posséder un fief, bref, d'être reconnu dans
la société à travers la religion. Cette sorte de "nettoyage social"
octroyé par la croisade, permis en fait une restructuration de la
société, les méchants n'étant pas allés en croisade étant définitivement
méchants. Par-dessus ce système, le Pape et ses cardinaux négociaient
directement avec les princes de manière à trouver des "têtes de
série" comme on dirait au tennis, qui entraîneraient avec eux leurs
vassaux et amis et tous ceux sur qui ils avaient de l'influence.
L'Eglise va utiliser ce système pendant plusieurs siècles, mais
la croisade sera surtout utilisée en Terre Sainte.
Le système de la croisade parait donc adapté à une expédition contre
les seigneurs occitans. Au début du XIII° siècle, l'Eglise a une
grande pratique de l'organisation d'expéditions de ce type. Mais
ce qu'il manque bien sûr, c'est les volontaires. C'est une période
difficile pour ce genre d'expédition. La 3e Croisade vient de s'achever
sur un échec : l'Empereur Frédéric Barberousse s'est noyé en Anatolie,
le roi de France Philippe II Auguste s'est désolidarisé de la croisade
avant d'arriver en Terre Sainte, et le roi d'Angleterre Richard
Coeur de Lion s'est retrouvé en prison en Autriche à son retour,
et Jérusalem est toujours aux mains des infidèles. Innocent III
prépare en plus la quatrième croisade qui verra la prise de Constantinople
par les croisés et le dévoiement de cette croisade au profit des
intérêts de la république de Venise. Le pape a toutes les raisons
d'être inquiet : qui va-t-il pouvoir mettre en tête de liste des
volontaires pour la croisade contre les Albigeois ? Heureusement,
il va trouver devant lui un personnage dont les intérêts politiques
à long terme peuvent converger avec ceux de l'Eglise : c'est le
roi de France Philippe Auguste.
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