COUPABLE DE CROISADE
La croisade contre
les albigeois 1208 - 1243
8 - Raimond VI se rebiffe
En 1211, le concile
se réunit à Montpellier. Il doit étudier le cas du comte de Toulouse.
Raimond VI a participé à la croisade du coté des croisés, mais
cela n'a pas fait pencher la balance de son coté. Le concile maintient
donc sa sentence envers lui et énonce à Montpellier une charte qui
devra être observée par Raimond VI et ses descendants. Cette charte,
qualifiée de "Charte Infâme" par les toulousains contient entre
autres les points suivants : il devra renvoyer ses routiers ; il
devra cesser de protéger les hérétiques et les juifs ; il devra
faire maigre 6 jours par semaine ; il devra porter des habits de
drap brun et rugueux ; ses châteaux et les remparts de ses villes
seront démantelés ; lui et ses chevaliers seront interdits dans
les villes ; il ne pourra plus toucher de droits de péage, et il
aura pour obligation de partir en terre sainte sous la garde des
hospitaliers jusqu'à ce que Rome décide de son retour. Si toutes
ces conditions sont réunies, le concile se garde le droit de lui
réattribuer ses fiefs, dès la fin de sa pénitence....
Pourquoi cette position ? On aurait pu penser que le concile aurait
pu se montrer conciliant... Se pourrait-il que le roi de France
ait pu faire jouer ses appuis au concile, et intrigué pour empêcher
la réhabilitation de Raimond, et garder ainsi sous son coude le
comté de Toulouse par la mainmise de Simon de Montfort ? Ou encore
est-ce les évèques et les légats qui ont imposé leur volonté en
fonction de leurs intérêts ? La question reste posée...
Evidemment, Raimond refuse cette charte qui le spolie de tout ses
biens, et quitte alors la croisade qu'il n'avait intégré que pour
défendre ses terres. Il se réfugie à Toulouse et s'y enferme. Simon
de Montfort lui, part faire le siège de la puissante ville de Lavaur.
Malgré une expédition du comte de Toulouse et du comte de Foix sur
l'arrière-garde des croisés, la ville tombe, et Simon, en fureur
contre les seigneurs occitans, organise le bûcher de 200 hérétiques
et le massacre de 40 chevalier. Dés son retour, il met le siège
devant les remparts de Toulouse et va s'y casser les dents. Profitant
de leur force, les seigneurs occitans attaquent Simon à Castelnaudary
et le battent. En l'absence de renforts, les croisés retournent
donc à Carcassonne, poursuivis par les occitans jusque devant Carcassonne,
en rase campagne. Malheureusement, les barons du midi ,mal organisés
et mal commandés par des chevaliers qui n'ont pas l'habitude de
telles batailles rangées, sont repoussés par Simon de Montfort.
Chacun s'en retourne alors dans son fief en laissant Raimond VI
seul à Toulouse.
Désormais,
pour Raimond, il n'y a plus d'alternative : il doit lutter contre
l'Eglise et contre la croisade. Il va donc rechercher des alliés
sûrs pouvant lui permettre de lutter à armes égales contre Simon
de Montfort. Les seigneurs occitans sont, il le sait, des amis fidèles
et de rudes combattants, mais leur armée n'est guère nombreuse,
et cela fait plus de trois ans que la lutte est dure contre l'occupant
français. Par contre, un peu plus au sud, il y a un homme puissant
et redouté, c'est Pierre II roi d'Aragon. Pierre II, c'est le héros
de la Reconquista du monde chrétien sur la civilisation arabe établie
en Espagne. Il est soutenu par le pape et ses évêques pour la victoire
de la Chrétienté, et pourtant, il va devenir l'allié de Raimond
VI, le protecteur de l'église Cathare ! Cette alliance de la carpe
et du lapin répond à des intérêts familiaux et géopolitiques, ces
deux aspects étant fortement liés à l'époque, car Raimond VI est
le beau-frère de Pierre II : Eléonore, sa femme, est la soeur du
roi d'Aragon. La chute éventuelle du comte de Toulouse est aussi
pour Pierre II l'arrivée en force du pouvoir royal français, un
concurrent en plus dans la région. Il y a bien sûr du calcul dans
la réaction du roi d'Aragon : si le comte de Toulouse gagne la bataille
avec son aide face au roi de France, Pierre II sera en mesure de
devenir son suzerain unique hors de l'influence du roi de France.
Par contre, il n'a pas de réaction vis à vis de l'hérésie albigeoise
et visiblement, le problème ne se situe pas là. On s'aperçoit par
ce fait et nombre d'autres que si la guerre a été déclenchée par
la religion, c'est la politique qui la fait continuer. Pierre II
suit avec attention l'évolution de la croisade, et plusieurs fois,
il a tenté des médiations avec les croisés, notamment lors de la
prise de Carcassonne où il avait tenté de raisonner Trencavel. Mais
il était aussi dans une situation ambiguë : en Janvier 1211, Simon
de Montfort a réussi à se faire reconnaître de Pierre II comme son
vassal. Un autre motif de la décision de Pierre II a été l'imposition
des coutumes et lois françaises en Languedoc par Simon de Montfort
avec les statuts de Muret : désormais, dans le comté de Carcassonne,
les hérétiques seront envoyés au bûcher, les juifs seront interdits
d'emploi public, un impôt spécial sera levé pour l'Eglise, le métier
des armes sera interdit à la noblesse " indigène ", le droit d'aînesse
sera obligatoire lors des héritages, contrairement à la vieille
loi romaine observée jusqu'alors, et pire encore, les femmes nobles
occitanes ne devront épouser que des chevaliers français uniquement
avec l'accord de Simon de Montfort. C'est la fin du style de vie
gallo-romain, c'est l'imposition de nouvelles coutumes, c'est la
fin de la noblesse occitane au profit des barons français. Pierre
II en est conscient, et ceci va aussi peser dans sa décision.
Auparavant, dès janvier 1213, Raimond VI abdique en faveur de son
fils Raimond VII et rend hommage à Pierre II. De ce fait, le comte
de Toulouse "en exercice" n'est plus sous le coup d'une condamnation
de l'Eglise, et les combats n'ont plus d'objet. D'ailleurs, Innocent
III l'a bien compris et ordonne l'arrêt de la croisade. Pourtant,
- et contre son avis - le concile de Lavaur exige la reprise de
la croisade et va même l'obtenir ! Encore une fois, les évêques
et les légats se liguent contre les comtes occitans et ceci en opposition
formelle avec le pape ! Les évêques excommunient même Raimond VI
de nouveau, et envoient une mise en garde contre Pierre II. L'armée
aragonaise passe alors les Pyrénées et s'avance vers Toulouse qui
est toujours tenu par Raimond VI.
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